Couacs de com' au sommet

POLITIQUE Mini-remaniement, taxe carbone, forfait hospitalier... Depuis la rentrée, les déclarations se suivent et ne se ressemblent pas...

Catherine Fournier
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Nicolas Sarkozy réunit mercredi à l'Elysée syndicats et patronat pour un sommet social au cours duquel il exposera les "mesures de justice" qu'il entend prendre pour répondre aux inquiétudes des salariés durement touchés par la crise économique.
Nicolas Sarkozy réunit mercredi à l'Elysée syndicats et patronat pour un sommet social au cours duquel il exposera les "mesures de justice" qu'il entend prendre pour répondre aux inquiétudes des salariés durement touchés par la crise économique. — Gerard Cerles AFP/Archives

L'exécutif aurait-il du mal à accorder ses violons ces temps-ci? Depuis la rentrée, les couacs de communication s'accumulent au sommet, qu'il s'agisse du mini-remaniement, de la taxe carbone et tout récemment de la hausse du forfait hospitalier. Les déclarations se suivent et ne se ressemblent pas. 


Le gouvernement n'en est pas à sa première cacophonie. En avril 2008, la réforme de la carte famille nombreuse avait déjà donné lieu à de nombreuses déclarations contradictoires avant d'être abandonnée.


Une contradiction bien propre à l'ère Sarkozy


Un tel manque de coordination peut paraître surprenant dans une mandature plus que jamais placée sous le signe de la communication. «Au contraire, trop de communication tue la communication», analyse Jean-François Probst, ex-conseiller de nombreux hommes politiques de droite, interrogé par 20minutes.fr. Lequel concède que les errances gouvernementales en la matière étaient déjà courantes sous la présidence de Giscard d'Estaing, de Mitterrand ou de Chirac — «à l'époque de Dominique Ambiel, conseiller de Jean-Pierre Raffarin, il y avait une bourde par semaine», rappelle-t-il. Mais le spécialiste pointe une contradiction bien propre à l'ère Sarkozy: «D'un côté, le président veut tout centraliser et maîtriser; d'un autre il pousse ses ministres à prendre des initiatives et communiquer tous azimuts». 


Par ailleurs, Nicolas Sarkozy s'est entouré d'une équipe de hauts fonctionnaires, eux-mêmes habilités à commenter l'action de l'exécutif. «Entre les Guaino, Soubie et Guéant, la polytechnocratie a pris le dessus», déplore Jean-François Probst.  


Autant de voix qui viennent couvrir celle d'un Premier ministre renvoyé au rang de «collaborateur» du chef de l'Etat. Si les relations entre Matignon et l'Elysée ont toujours été difficiles dans le système politique français de la Ve République, semi-parlementaire, semi-présidentiel, «la présidentialisation du régime actuel laisse peu d'oxygène à François Fillon», selon Jean-François Probst. Conséquence, poursuit-il, «ce dernier en vient à prendre des initiatives, parfois contrecarrées dans la foulée par l'Elysée».  


Taxe carbone: couac ou tactique politique? 


Les récentes déclarations sur la taxe carbone en sont-elles l'illustration? Dans une interview parue samedi dernier dans Le Figaro Madame mais dont le contenu a été dévoilé cinq jours avant, le Premier ministre donnait quelques précisions sur cette fiscalité écologique, à commencer par son montant initial, 14 euros. Le lendemain, Nicolas Sarkozy indiquait que rien n'était arbitré, conviant à l'Elysée Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, pour discuter des modalités de cette taxe. 


A l'UMP, bien plus qu'un nouveau désaccord entre Fillon et Sarkozy, on voit là une tactique de l'exécutif pour reprendre la main sur le sujet après l'université d'été du PS à La Rochelle. «L'interview de François Fillon était validée par l'Elysée, mais il a fallu rebondir sur le désaccord entre les socialistes et les Verts sur la taxe carbone, laissant la porte ouverte aux négociations avec les écologistes», confie un cadre de la majorité à 20minutes.fr. 


Méfiance réciproque entre les médias et le pouvoir


Pour Denis Muzet, sociologue des médias et spécialiste de la communication politique, la polyphonie du pouvoir actuel est surtout renforcée par sa médiatisation. «Les journalistes foncent sur le moindre couac ou décalage dans les propos des ministres», constate-t-il. Selon lui, si ces décalages peuvent parfois révéler des clivages et des rapports de force au sein de la majorité, ils sont aussi le lot de tout processus décisionnel et ne méritent pas toujours l'attention qu'on leur porte. «Cela fait un certain temps qu'on est dans un système de co-production de l'information, réparti entre les médias et le politique, reprend Denis Muzet. Mais depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, une relation de suspicion réciproque s'est établie. On assiste à une forme de petite rébellion médiatique pour résister au contrôle de l'information qui atteint des sommets dans le cadre de cette présidence.» 


Et Jean-François Probst de s'interroger: «Où sont les parlementaires dans tout ça? Et les députés européens?» Selon lui, c'est à eux de se saisir de questions comme la taxe carbone, qui dépassent de loin un simple enjeu national.