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Tadao Ando, sculpteur de la lumière

L'Église de la Lumière que Tadao Ando a bâtie dans la banlieue d'Ibaraki, à 40 km d'Osaka, en 1988-89, est l'une de ses réalisations les plus radicales: il souhaitait que la fente en forme de croix qui perce le mur du fond reste sans vitrage, pour permettre au vent de pénétrer aussi bien que la lumière. Le froid et la pluie ont eu raison de lui! À noter que l'ouverture cruciforme n'est pas tout à fait chrétienne: la barre horizontale est plus basse que dans la croix du Christ. «À chacun sa source de lumière», signale Ando.

Un «dieu vivant», «le plus grand architecte contemporain», «le plus primé de tous les temps». Tadao Ando traîne derrière son nom un sillage de superlatifs. Les étudiants en architecture le vénèrent, leurs professeurs l'érigent en maître. Il est incontestable que le Japonais, âgé aujourd'hui de 78 ans, a marqué notre époque par ses créations de béton brut et soyeux, son travail hallucinant sur la lumière et sa réflexion empreinte de spiritualité à propos du lien unissant nature et architecture.

La mise à jour de sa monographie, éditée pour la première fois en 2004, vient d'être publiée chez Taschen. L'ouvrage de plus de 700 pages et 7 kilos inclut les derniers projets d'Ando, comme le Poly Theater de Shanghai ou le Clark Center du Clark Art Institute de Williamstown, Massachusetts. L'artiste a été consulté sur le choix des réalisations mises en avant. Rédigé par Philip Jodidio, historien de l'art et économiste américain, rédacteur en chef pendant vingt ans de la revue «Connaissance des Arts», ce livre permet de mesurer à quel point «Tadao Ando a cherché et trouvé l'une des clés de l'adaptation de l'architecture moderne aux besoins de ce temps».

Le Panthéon et la Villa Savoye

Si réussie que soit la publication des Éditions Taschen, avec ses immenses illustrations de belle qualité, elle ne saurait évidemment remplacer le voyage pour s'imprégner de la spiritualité émanant des constructions d'Ando, au Japon notamment. L'architecture, selon lui, est émotion. Et celle-ci n'est souvent perceptible que dans la réalité: c'est lorsqu'il se trouve à Rome devant le Panthéon ou face à la Villa Savoye de Le Corbusier, visitée à de nombreuses reprises, que le jeune Tadao saisit ce qui sera et est encore sa marque de fabrique. Le papier toutefois rend bien la perfection du sertissage de ses bâtiments dans la terre ou l'herbe, le sable ou l'eau.

«Des abris pour l'esprit»

Tadao Ando, relève, Philip Jodidio, c'est la matérialité: «Ses puissants murs de béton posent une limite. Pas de passage, excepté celui qu'il a voulu.» C'est aussi «la tactilité»: ses parois qui appellent le toucher semblent satinées, douces, presque duveteuses. Ses murs laissent passer en les canalisant la lumière et le vent; ils font des constructions d'Ando – musées, centres d'art, églises ou habitations – «des abris pour l'esprit». Un esprit logé au large, car à l'intérieur, le Japonais n'installe que le vide. S'inspirant du bouddhisme zen, Ando tend à «une architecture transcendante et unifiée». Il aime créer des lieux de contemplation, marqué par l'influence des temples du Japon traditionnel, et des marqueurs d'histoire qui célèbrent les racines d'un peuple.

Aux nombreux musées dont il a signé la réalisation s'ajoutent des maisons individuelles et des immeubles d'habitations présentant, en modèle réduit, les mêmes caractéristiques que ses grands gestes architecturaux. À la liste de ses réhabilitations de bâtiments anciens en Europe – le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana à Venise, le Teatro Armani de Milan ou encore la Fabrica Benetton – Tadao Ando ajoutera en 2019 la rénovation de l'ancienne Bourse de Commerce dans le quartier des Halles, à Paris.