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Au-delà de Gilberte de Courgenay, Anne-Marie Blanc

Anne-Marie Blanc en 2007. Keystone

L'actrice Anne-Marie Blanc est décédée à l'âge de 89 ans jeudi à son domicile zurichois, a indiqué vendredi sa famille. Cette grande dame du théâtre suisse a interprété plus de 200 rôles sur les planches et tourné une cinquantaine de films et de téléfilms.

C’est en jouant Gilberte de Courgenay, dans le film éponyme de Franz Schnyder en 1941, qu’Anne-Marie Blanc atteint la célébrité. L’œuvre, devenue un classique du cinéma suisse, lance la comédienne alors âgée de 22 ans.

Inspiré d’une histoire réelle, le personnage de Gilberte, jeune serveuse qui travaille à l’Hôtel de la Gare à Courgenay, dans le canton du Jura, et qui soutient le moral des soldats suisses mobilisés entre 1914 et 1918, lui collera à la peau durant toute sa carrière et marquera l’imaginaire suisse – alémanique en particulier – pendant des décennies.

Bi Prunterut im Jura,
da hät en Wirt es Huus.
da luegt es Meitschi alli Stund
dreimaal zum Fenschter uus.
Und fragsch du denn d’Soldate,
wer ächt das Meitschi sei,
so lupft es jedem Schwyzerbueb
sys Herz und au sys Bei.


dit la chanson, dont les couplets en suisse allemand alternent avec des refrains en français:

C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay.
Elle connaît trois cent mille soldats et tous les officiers!
C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay.
On la connaît dans toute la Suisse et toute l’armée!

Veveysanne

Née le 2 septembre 1919 à Vevey, dans le canton de Vaud, Anne-Marie Blanc grandit à Berne. Elle pense devenir médecin, mais le destin en veut autrement. Après le lycée, elle entre sans avoir fait de formation théâtrale dans la compagnie du Schauspielhaus de Zurich.

Là, le metteur en scène Leopold Lindtberg la remarque et en fait son actrice fétiche. Ce cinéaste alémanique très coté à l’époque lui propose son premier rôle à l’écran dans «Wachtmeister Studer» (Sergent Studer) qui sort en 1939. Suivront «Lettres d’amour mal employées» (1940) ou «Landammann Stauffacher» (1941).

Après la guerre – et le succès de «Gilberte de Courgenay» – elle tourne avec Erich von Stroheim à Paris dans «On ne meurt pas comme ça» (1946). Anne-Marie Blanc reçoit même une offre pour aller à Hollywood, mais y renonce, pour raison familiale.

Dans les années 1970, l’actrice s’intéresse à la nouvelle génération de cinéastes suisses. Elle tourne dans «Violanta» de Daniel Schmid en 1977 ou «L’Allègement» de Marcel Schüpbach en 1983.

Elle figure aussi au générique de nombreux films destinés au grand public. La comédienne joue également dans la populaire série télévisée produite par la télévision suisse alémanique, «Lüthi et Blanc».

Le théâtre avant tout

Mais Anne-Marie Blanc est avant tout une interprète de scène. Après avoir fait partie de la troupe du Schauspielhaus de Zurich entre 1939 et 1952, où elle interprète la plupart des grands rôles du théâtre suisse, elle prend peu à peu davantage de risques professionnels.

Elle choisit l’indépendance et accepte des propositions de théâtres suisses et étrangers. Elle joue parfois en français.

Quelques mois après ses 85 ans elle accepte encore de jouer dans «Savannah Bay», de Marguerite Duras, sa dernière apparition sur les planches. Cette pièce, dans laquelle elle apparaît avec sa petite fille Mona Petri Fueter, est notamment présentée au Schauspielhaus de Zurich.

Sa longue carrière est couronnée en 1986 par l’anneau Hans- Reinhart, la distinction théâtrale la plus prestigieuse de Suisse.

En 2001, la cinéaste, écrivain et journaliste Anne Cunéo lui dédie un documentaire: «La petite Gilberte».

swissinfo et les agences

Montavon. Née le 20 mars 1896, Gilberte était l’une des trois filles de la famille Montavon, qui tenait l’établissement de Courgenay (L’Hôtel de la Gare) depuis 1906.

Ajoie. Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux soldats étaient stationnés en Ajoie, tout près de lignes françaises et allemandes.

Madelon. La gentillesse et la bonne humeur de Gilberte en firent une véritable Madelon parmi les soldats et les officiers qui fréquentèrent l’Hôtel de la Gare dès 1914.

Succès. Rapidement, la notoriété de la «Gilberte de Courgenay» s’est étendue à toute la Suisse. En 1917, la «Petite Gilberte» était immortalisée dans une chanson composée par Hans In der Gand, un chanteur populaire uranais d’origine polonaise. La chanson est en suisse allemand et le refrain en français…

Schwyzerduetsch. C’est parce qu’elle avait appris le schwyzerduetsch en Suisse alémanique durant un an que Gilberte a pu communiquer avec ces milliers de soldats et d’officiers alémaniques stationnés en Ajoie.

courgenay.ch

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