Les éléphants se sont-ils domestiqués ?
L’autodomestication s’applique avant tout à l’espèce humaine. L’éléphant en serait-il un bon modèle ?
Au cours de son histoire, la vache a été croisée à plusieurs reprises avec son cousin sauvage, l’aurochs, puis avec le zébu, l’autre grande lignée de bovins domestiques.
Voilà plus de 10 000 ans que la vache (Bos taurus) accompagne l’humanité. Elle est issue de la domestication de l’aurochs (Bos primigenius), aujourd’hui éteint, qui occupait il y a plusieurs milliers d’années une grande partie de l’Eurasie et de l’Afrique du Nord. Mais ce qui s’est passé après sa domestication, il y a environ 10 500 ans en Anatolie, restait flou. Marta Pereira Verdugo, de l’université de Dublin, et ses collègues, ont révélé que de nombreux échanges génétiques avec d’autres espèces ont ponctué l’évolution de la vache : après sa domestication, elle s’est croisée avec l’aurochs à de multiples reprises, dans plusieurs régions du monde.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont séquencé l’ADN contenu dans les restes de 67 bovins retrouvés au Proche-Orient et datant du début du Néolithique, il y a 10 000 ans, jusqu’au Moyen Âge. Parmi eux, six aurochs vieux de 7 000 à 9 000 ans : un aurochs nord-africain, un aurochs européen, et quatre du Proche-Orient. Les chercheurs ont étudié à la fois l’ADN du noyau cellulaire et celui des mitochondries, les organites cellulaires qui fournissent l’énergie. Ils ont ensuite comparé ces génomes avec ceux de bovins africains, asiatiques et européens modernes.
La comparaison révèle que les bovins domestiques du Néolithique et de l’âge du Bronze forment trois familles génétiques bien distinctes : un groupe irano-anatolien, proche des quatre aurochs du Proche-Orient ; un groupe balkanique, proche des vaches européennes actuelles et du spécimen d’aurochs européen ; et un groupe du Levant (sud du Proche-Orient), proche des vaches africaines modernes et de l’aurochs d’Afrique du Nord.
La domestication des aurochs ayant commencé en Anatolie, les chercheurs en ont déduit que le groupe irano-anatolien correspond à la population domestiquée initialement, il y a 10 500 ans, et qui a donné naissance à l’ensemble des vaches actuelles. Par la suite, une partie de cette population aurait migré vers l’Europe, où, il y a plus de 7 000 ans, elle se serait hybridée avec des aurochs européens et aurait donné la vache européenne moderne. De même, le groupe du sud du Proche-Orient se serait séparé du groupe d’origine, puis croisé avec des aurochs d’Afrique du Nord, conduisant aux vaches africaines actuelles.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’étude de l’ADN nucléaire révèle l’émergence, il y a 4 000 ans, d’un nouveau groupe au Proche-Orient, à mi-chemin entre la vache et le zébu. Le zébu (Bos indicus), l’autre lignée de bovins domestiques, a été domestiqué de manière indépendante à partir de l’aurochs indien, il y a 8 000 ans, dans la vallée de l’Indus. Or malgré des preuves archéologiques montrant que les populations humaines du Proche-Orient, éleveurs de vaches, et ceux de l’Indus, éleveurs de zébus, se sont côtoyés, aucune trace d’hybridation des deux lignées bovines n’apparaît dans leur génome avant 4 000 ans. Que s’est-il donc passé à cette époque ?
La grande sécheresse qui a touché la Terre il y a 4 200 ans, et qui aurait semble-t-il causé la perte de l’ancien empire égyptien, serait à l’origine de cette hybridation soudaine. Le zébu étant bien adapté aux conditions sèches de l’Inde, les hybrides auraient mieux supporté le manque d’eau et la chaleur que les vaches. Ces caractéristiques expliquent aussi que l’on retrouve aujourd’hui beaucoup de zébus et d’hybrides en Afrique.
Par ailleurs, les hybrides étudiés ont tous un ADN mitochondrial de vache. Les mitochondries n’étant transmises que par la mère, cela suggère que l’hybridation n’a impliqué que des zébus mâles et des vaches femelles. Au vu de sa rapide expansion, cette hybridation aurait donc reposé sur une sélection active de zébus mâles par les humains entre le Proche-Orient et l’Asie, favorisant le repeuplement des troupeaux et l’essor du pastoralisme dans des régions devenues arides.
M. P. Verdugo et al., Ancient cattle genomics, origins, and rapid turnover in the Fertile Crescent, Science, vol. 365, n° 6449, pp. 173-176, 12 juillet 2019.
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