Couverture fascicule

Henri Lefevbre, La Révolution urbaine

[compte-rendu]

Année 1970 25-4 pp. 1203-1204
Fait partie d'un numéro thématique : Histoire et urbanisation
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Une critique radicale de l'urbanisation. Pour quiconque n'est pas philosophe, le livre de H. LEFEBVRE x n'est pas d'un accès facile : ce foisonnement d'idées qui jaillissent de tous les côtés, éclatent dans toutes les directions, atteignent à des sommets de haute abstraction ou explorent des réalités quotidiennes est éblouissant mais parfois aussi étourdissant. On pourrait souhaiter que H. Lefebvre ait un peu pitié de ses lecteurs qui ne sont pas tous habitués aux dédales de la philosophie contemporaine. H. Lefebvre part de la constatation d'un fait capital : avec le début de l'époque industrielle, le rapport ville-campagne a basculé. La ville cesse d'être ce qu'elle était depuis des millénaires, une île dans l'océan rural et elle fait apparaître la campagne comme son environnement et son horizon. Désormais, à travers le développement de la « société bureaucratique de consommation », se dessinent, au moins virtuellement les perspectives d'un univers post-industriel au sein duquel la vie rurale, pénétrée de part en part par « le tissu urbain », apparaîtra de plus en plus comme un simple archaïsme résiduel. C'est de ce phénomène

1. Henri LEFEVBRE, La Révolution urbaine. Gallimard, Idées, Paris, 1970, 248 pages.

; urbain complexe, qui n'est souvent encore qu'une réalité incertaine de son futur, que la sociologie doit, avec des préoccupations prospectives, explorer les différents niveaux. L'entreprise est dans l'état actuel du savoir, hérissée de difficultés : problèmes méthodologiques et épistémologiques qui naissent de la séparation et du fractionnement des champs divers de la recherche scrutée par des sciences parcellaires et volontiers « impérialistes », abus de l'esprit analytique qui ne pourront être corrigés que par un passage de la logique mutilante à la dialectique, nécessité d'utiliser les éclairages nouveaux qui ont fait apparaître les progrès de la sémiologie sans réduire, pour autant l'urbain à un système de signes et de significations. A partir de là, dire que l'étude de l'urbain ne peut être envisagée qu'en passant du savoir fragmentaire au point de vue de la totalité, ne fait que renvoyer à de nouveaux problèmes, car il y a moins un objet ville, nettement défini et susceptible d'entrer dans un concept figé, qu'une problématique du phénomène urbain qui est en plein devenir. L'urbain ne saurait actuellement susciter qu'un savoir révisable mais qui ne peut même pas prendre la forme d'une prospective, car la prospective extrapole à partir de tendances d'un phénomène connu, alors que l'urbain est actuellement dans une situation critique qui ne permet aucune prévision. En réalité, les connaissances fragmentaires qui existent dans le présent ne peuvent immédiatement se dépasser dans un savoir global, car la spécialisation est institutionnalisée : elle ne découle pas d'une exigence objective mais d'un ordre social divisé et hiérarchisé qui la conditionne, et qu'à son tour elle consacre et reproduit. Il est vrai que les urbanistes prétendent dépasser en tant que praticiens les divisions du savoir théorique ou plutôt en réunifier les éléments par la mise en œuvre de leurs techniques. Mais il n'y a là rien de plus que le dernier avatar du positivisme : l'urbaniste qui prétend constater les faits sans se poser de questions au delà de la science et de la technique, se situe en réalité sur le terrain d'une certaine philosophie courte et désuète et aboutit à des positions analogues à celles qu'occupèrent le physicisme, le biolo- gisme, l'économisme etc., et non pas à la compréhension de la totalité. Pourtant si la philosophie sait devenir métaphilosophie en dépassant son acquis pour s'éclairer d'un jour nouveau comme elle

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