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Libération

Ami avec les ennemis du Président

Le ministre tisse des liens avec les barons déchus de la planète RPR.
par Vanessa SCHNEIDER
publié le 25 juin 2004 à 1h11

La scène est typiquement sarkozienne. Quelques jours après son arrestation, fin avril, en compagnie d'une prostituée mineure, Dominique Ambiel, l'ancien conseiller en communication de Jean-Pierre Raffarin, est invité à dîner par le ministre de l'Economie à son domicile privé de Neuilly. Ambiel est perturbé, il voit dans ses déboires la main malveillante du chiraquien Dominique de Villepin, nouveau ministre de l'Intérieur. Nicolas Sarkozy le bichonne. Tout ce qui concerne de près ou de loin son successeur place Beauvau ­ auquel il voue une haine indéfectible ­ l'intéresse.

Pestiféré de la Chiraquie, le numéro 2 du gouvernement s'attache à accueillir dans son giron tous ceux qui, comme lui, ont un compte à régler avec le chef de l'Etat. Peu importe s'ils ne partagent pas ses idées. La rancoeur commune contre Jacques Chirac suffit à souder les plus improbables amitiés.

Ostracisme. Dans sa quête d'alliés, Sarkozy ne néglige personne, ni les papys de la droite, ni les marginaux du parti, ni même les repris de justice. Ainsi n'a-t-il jamais cessé de voir son ancien champion Edouard Balladur qu'il a régulièrement au bout du fil. De la déroute présidentielle de 1995, ils ont partagé l'ostracisme des vaincus et l'image de traîtres. L'ancien maire de Neuilly consulte l'ex-Premier ministre et fait appel à sa sagesse supposée. Celui-ci, en échange, ne tarit pas d'éloges sur lui. «Je ne vois pas qui aurait plus de titres et plus de qualités que lui pour être président de l'UMP et je ne vois même pas qui en aurait autant», a-t-il déclaré en mai dernier. Autre ennemi de Jacques Chirac, son ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua qui a quitté le RPR pour tenter l'aventure souverainiste. Malgré leurs anicroches passées, les deux hommes ont trouvé de l'intérêt à se soutenir mutuellement. «Leurs relations sont aujourd'hui excellentes», souligne Brice Hortefeux, le bras droit de Sarkozy qui a lui-même très souvent Pasqua au téléphone. Ce dernier a ainsi laissé la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine qu'il présidait au ministre des Finances. En février, alors que Sarkozy rêvait de s'installer à Matignon, le président du Rassemblement pour la France lui a donné un coup de pouce en assurant : «Jacques Chirac est un pragmatique. Si demain il considère que Nicolas Sarkozy doit devenir Premier ministre, il le nommera.» Point d'adoubement public, en revanche, de la part de Valéry Giscard d'Estaing auquel Sarkozy vient de temps à autre rendre une petite visite. «L'Ex» voit en lui le bras armé de sa vengeance contre Chirac et le «soutient» dans ses ambitions, indique l'entourage du ministre d'Etat.

Sarkozy étend aussi sa toile au sein de sa génération. Son principe : servir de voiture-balai à tous ceux qui se sont retrouvés dans le fossé au fil des «guéguerres» internes de la droite. Il a ainsi tendu la main à François Bayrou au moment où les chiraquiens essayaient de lui faire la peau. Idem avec Alain Madelin, mis hors circuit par ses prises de position iconoclastes et sa mésaventure présidentielle de 2002. Le député de Redon l'a remercié le week-end dernier en le plébiscitant pour la présidence de l'UMP. Dans cette galerie des chefs blessés des années 90, Nicolas Sarkozy a des attentions toutes particulières pour Philippe Séguin, avec lequel il a dirigé le RPR jusqu'en 1999. De cette alliance de la carpe et du lapin, telle qu'elle était définie à l'époque, est née une véritable estime. L'ex-président de l'Assemblée continue de voir fréquemment son ancien second. Leur sujet de conversation préféré : le chef de l'Etat... sur lequel ils ont l'un et l'autre beaucoup à dire. Sarkozy n'a jamais caché que s'il devenait un jour Premier ministre, il y aurait une bonne place dans son gouvernement pour son «ami Philippe». «Des talents comme le sien sont rares. Pourquoi s'en passer ?», répète-t-il.

Repris de justice. Même les brebis galeuses de la droite ont droit à ses attentions. Il s'est encore affiché lundi avec Alain Carignon, ancien maire de Grenoble condamné à quatre ans de prison ferme pour corruption et abus de biens sociaux et lâché par la Chiraquie. Il a également parrainé au sein de l'UMP des Hauts-de-Seine le député-maire de Levallois Patrick Balkany, condamné à quinze mois de prison avec sursis pour avoir fait usage de deniers publics à des fins privées. Dans les deux cas, Sarkozy évoque de «vieilles amitiés». Qui, sait-on jamais, pourront toujours resservir un jour.

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