Le Temps: Vous n’êtes pas de la génération internet, qu’est-ce qui vous dérange dans cette loi?
Pascal Couchepin: Plusieurs choses. Tout d’abord, le texte donne à la loterie la mission de lutter contre les addictions, mais aussi celle de protéger son chiffre d’affaires futur. C’est contradictoire. Deuxièmement, si on veut vraiment lutter contre la dépendance au jeu, il faudrait renoncer à certains d’entre eux, comme le Tribolo, qui ciblent les gens à faibles revenus. Or, ces derniers ne sont pas menacés par la concurrence étrangère. Finalement, la loi veut limiter l’accès aux jeux sur internet. Je ne suis moi-même pas spécialiste mais ceux qui le sont me disent que le système serait facilement contournable. Il ne sert à rien de multiplier les règles pour bâtir une nouvelle bureaucratie inutile.
Et quelle serait, selon vous, la solution?
Que la loi soit refusée et qu’on en sépare l’aspect prévention, qui ne doit pas dépendre des loteries. Le jeu est par ailleurs un vice qui n’est pas, en soi, à soutenir. C’est inévitable, il faut accepter le monde tel qu’il est, mais on ne doit pas poursuivre un objectif de maximisation du revenu des loteries juste parce qu’elles le redistribuent. Je suis également choqué par l’argumentation des partisans, qui annoncent très clairement la couleur en disant: «On aimerait vous donner de l’argent, mais pour ça protégez-nous contre la concurrence». C’est un appel presque pavlovien lancé aux gens qui bénéficient de subsides pour leur faire croire que s’ils ne votent pas oui, ils ne leur seront plus octroyés. J’appelle ça une opération par anesthésie locale. Il n’est pas juste de faire saliver les gens comme ça.
Devrait-on privilégier un système de concessions, comme au Danemark?
Ce qui est clair, c’est qu’une meilleure loi est possible. On introduit un protectionnisme illusoire, et je n’aime pas du tout le style de démocratie ou l’on dit aux gens «il y a de l’argent à gagner, oubliez les dommages».