À Bernay, les sangliers posent un cas de conscience aux golfeurs écolos

Des golfeurs qui préservent l’environnement mais sont envahis par les sangliers… Près de Bernay (Eure), un golf écolo est devenu le terrain de jeu de l’animal forestier. Depuis l’ouverture de la chasse, des hardes fuient les plateaux pour le golf en fond de vallée, un petit paradis où elles font des dégâts considérables.

Les golfeurs écolos de la Charentonne tentent de repousser les sangliers, pour le moment sans succès. LP/Lou Garçon
Les golfeurs écolos de la Charentonne tentent de repousser les sangliers, pour le moment sans succès. LP/Lou Garçon

    Cette nuit encore, l’impeccable green a été ravagé. Sur le fairway aussi, des sangliers cherchant nourriture ont fouillé le sol de leur groin et laissé derrière eux des monticules de terre disgracieux. Le golf pastoral de la Charentonne, dans le val de la Couture, en amont de Bernay (Eure), n’est pas qu’un paradis pour sportifs soucieux de leur impact sur l’environnement. L’animal fouisseur y fait des ravages depuis la réouverture de la chasse.

    Les terrains sont engazonnés et facilement retournables. Qui plus est interdits aux chasseurs. Le terrain est tondu au maximum par des animaux, sans produits phytosanitaires et en limitant les arrosages aux périodes de sécheresse. Habitants des environs et résidents du week-end travaillent leur swing sur ce parcours exigu, surtout les samedis et dimanches matin. Et, la nuit, des visiteurs y sont aussi à la fête.

    « Je suis obligé de fermer une partie du parcours »

    Le responsable du golf, Richard Neill, constate les dégâts, amer : « Je suis obligé de fermer une partie du parcours. On risque d’avoir droit aux visites de sangliers pendant toute la période hivernale, comme l’année dernière. » En 2008, c’est lui qui a imaginé ce golf en zone écologiquement sensible « pour des raisons philosophiques et politiques », en regroupant une douzaine de petites parcelles, dans ce paysage de prairie humide retenant une grande quantité d’eau, autrefois utilisé comme pré-baignant : « L’activité agricole y a disparu et le paysage s’était refermé, raconte-t-il. Notre présence permet de le maintenir. On fait du golf très sérieusement et l’existence du parcours préserve une biodiversité sur un site très riche. »



    Un projet longtemps vu comme « une provocation », chez certains adeptes de cette activité sportive qui a poussé le gaspillage des ressources aux extrêmes. « Mais aujourd’hui, on nous reconnaît en avance et dans le vrai », souligne le sportif. S’il est à jamais question de préserver les animaux présents naturellement sur le site, le sanglier est donc la seule bête noire que cet ancien bénévole des Amis de la terre ait jamais eue.

    Certains riverains protestent

    L’invasion affecte aussi les demeures proches et certains habitants estiment d’ailleurs que le mode de gestion du golf attire l’animal forestier jusqu’aux portes de leurs maisons. « On pourrait en effet être considérés comme responsables, répond Richard Neill. Car sur la quinzaine d’hectares occupés par le golf, 40 % de la surface sont tondues. Le reste est protégé, notamment des bouts de forêts alluviales. Ce sont des refuges. »

    Le mammifère joue d’ailleurs son rôle dans l’équilibre des écosystèmes. Ce secteur, en lisière de la ville, est classé Natura 2000 : l’association s’est engagée à différents niveaux pour la préservation du site, notamment les mégaphorbiaies (friche végétale humide) autour du terrain où les golfeurs ne peuvent se rendre. Le sanglier doit-il alors être considéré comme un habitant naturel des lieux, et donc protégé, ou comme un intrus ? Richard Neill a du mal à se faire un avis.



    Pour limiter au maximum ces visites nocturnes, se refusant à ouvrir son golf aux chasseurs « alors que certains de nos voisins sont anti-chasse », il a fait appel au lieutenant de louveterie. Lequel a commencé des battues administratives. « Je ne suis pas chasseur mais cette histoire me fait comprendre qu’il faut quand même réguler », conclut le golfeur. Les résultats ne sont pour le moment pas tout à fait probants.