l’avis du « monde » – a ne pas manquer
A première vue, le dernier film en date d’Emmanuel Mouret, peintre plaisant des imbroglios amoureux (Un baiser s’il vous plaît, L’Art d’aimer), pourrait passer pour un marivaudage frivole de plus, voire pour un miroir de la bourgeoisie et de ses libéralités amoureuses, monde où l’on glisse d’une infidélité à l’autre avec une fluidité déconcertante.
Or, un plaisir singulier s’empare du spectateur à voir les combinaisons sentimentales s’y nouer et dénouer jusqu’au vertige, comme se succèdent sur le papier les lignes d’une équation à de multiples inconnues – un plaisir théorique.
Désir inavouable
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait se place sous l’égide du philosophe René Girard (1923-2015) et de sa théorie du « désir mimétique », dont il propose une mise en application. On pourrait la résumer comme suit : on ne désire jamais l’autre en soi, mais parce qu’on le sait lui-même désiré par un tiers. L’amour se rêve à deux, mais se construit toujours à trois, dans le dos du couple qui n’en est jamais que la face apparente. Et c’est précisément à partir de ce motif d’hésitation, de cette alternance entre le pair et l’impair, que le film va construire toute sa géométrie affective.
Tout commence évidemment par une rencontre. Maxime (Niels Schneider), jeune traducteur venu dans la campagne avignonnaise rendre visite à son cousin François (Vincent Macaigne), et Daphné (Camélia Jordana), sa compagne enceinte de trois mois chargée de l’accueillir et de le faire patienter en son absence.
Pour passer le temps, ils se racontent mutuellement leurs récentes déconvenues sentimentales. Maxime a vécu à Paris une relation informelle avec Sandra (Jenna Thiam), jeune femme d’un couple dont il partageait l’appartement. Quant à Daphné, elle fut la monteuse d’un réalisateur auquel elle n’a jamais osé déclarer sa flamme et confie avoir ensuite jeté son dévolu sur François par dépit. Tous deux ont aimé dans l’ombre et incomplètement, ballottés par un désir inavouable. Au fil de la discussion se révèle entre eux une inclination de plus en plus prononcée.
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait se présente donc comme un film entièrement raconté par ses protagonistes (en « discours rapporté », dirait-on en littérature), construit en une série de flash-back qui remontent le fil de leurs confidences. Parfois, un personnage secondaire prend les rênes du récit et lui apporte un prolongement ou en creuse une nouvelle dimension.
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