L’Egypte et le Livre des morts
Superbe et intelligente évaluation de la vie après la mort dans l’Egypte ancienne. Le British Museum frappe fort, en présentant d’abord ses propres trésors issus de ses collections.
- Publié le 18-11-2010 à 04h15
- Mis à jour le 18-11-2010 à 07h56
A Londres Point de réserves à émettre et c’est rare : outre qu’elle nous introduit au cœur de croyances et rites d’une fabuleuse civilisation, dont nous nous émerveillons tous les jours, l’exposition londonienne joint à la qualité de centaines de pièces témoins d’exception une très attrayante présentation, subtilement didactique, du long cheminement qui, au pays des pharaons, menait l’individu de la vie à la mort et de celle-ci à cet au-delà qui demeurera, à travers les siècles, la quête éternelle de l’homme aux prises avec sa foi et ses mythes.
La majorité des documents et objets, cercueils et momies, disposés dans une longue suite de sections très ciblées, provient des collections de l’institution anglaise. Et quelle richesse, en effet !
Installée au cœur du bâtiment et de l’auguste bibliothèque, l’exposition se parcourt dans une espèce de pénombre qui sied à l’événement et à cette plongée dans l’univers mortuaire. Les pratiques et techniques de l’embaumement, de la momification, de la mise au tombeau du défunt entouré de ses mobiliers et effigies de divinités censées lui faciliter le voyage dans l’éternité ont de tout temps existé en Egypte.
On évalue, d’autre part, à plus de 1500 ans l’apparition du "Livre des morts" pour assurer au défunt le triomphe sur la mort. Les Anciens estimaient que la connaissance et les pouvoirs magiques enclos en ces textes leur assuraient la voie libre à une vie parfaite dans l’au-delà.
Inutile d’ajouter qu’ils y mettaient la manière et que les centaines de textes disséminés à travers les salles, livres des morts des uns et des autres, sont en soi des documents précieux au seul vu des calligraphies et images qui les composent.
Pour ces anciens Egyptiens, les mouvements du soleil, de la lune et des étoiles, la crue annuelle du Nil et la croissance des plantes signaient l’évidence d’un cycle de la vie sans cesse recommencé. Et l’existence humaine pouvait être interprétée comme une part de ce cycle. Un masque de momie de Satdjehuty, femme de haut rang de la XVIIIe dynastie, environ 1500 ans av. J.-C., ouvre une démonstration d’abord initiée autour de la momification susceptible de confier des qualités divines au mort. Suivent les préparations pour l’après vie et les premiers textes censés fustiger les créatures hostiles à la paix de l’âme. Le Livre des morts d’Ani intervient tout au long du parcours, Ani qui serait Horus, le fils d’Osiris. Il date de la XIXe dynastie et a été trouvé à Thèbes.
Divers objets l’accompagnent, un bâton en forme de serpent en bronze, une amulette en ivoire pour la protection des mères et des nouveaux-nés, un repose-tête en bois et ivoire, une stèle gravée. Et sur les premiers feuillets du Livre d’Ani, les dieux, le serpent, le mastaba du mort, le fameux "œil", le bœuf Apis et Horus sont finement représentés. Le Livre des morts, apprend-on, fut le point culminant d’une longue tradition de textes providentiels pour la mort : textes des pyramides dans l’Ancien Empire, textes des cercueils au Moyen Empire, Livre des morts au Nouvel Empire, soit à l’époque de Toutankhamon et Ramsès II. De beaux exemples accompagnent. Ainsi du Livre sur papyrus de Tameni, de la XXIe dynastie, particulièrement réussi picturalement, ou du Livre sur cercueil de Besenmut, prêtre de Montu, de la XXVe dynastie, environ 650 ans av. J.-C. Evocation encore du Jour de Burial, qui marque la transition de la personne défunte entre le monde des vivants et la mort, et des cérémonies qui s’ensuivaient.
Les Egyptiens pensaient que le corps était la demeure de l’esprit et de ses pouvoirs et devait donc être préservé. D’où, une fois de plus, ce souci de momification, qu’explicite une Stèle de Neferabu, membre de la communauté des artistes et, à ce titre, chargé d’édifier et décorer les tombes royales à Thèbes. Divers rites et jeux, transformations et protections se succèdent, expliqués et concrétisés par des objets et des manuscrits exceptionnels : rituel de la réanimation du corps momifié, la momie mise au tombeau et, in fine, l’épreuve du jugement quand le cœur de la personne décédée était placé dans une balance et pesé. Les jugements d’Ankhwahibra et de Keracher, d’Ani et d’Anhai nous sont restitués par les textes de leurs Livres des morts respectifs.
Enfin, de superbes papyrus et, pour rendre hommage aux scribes de ces parchemins, une statue en quartzite du scribe Pesshuper, XXVe dynastie, concluent un voyage impressionnant dans l’au-delà.
British Museum, Great Russell Street, Londres. Jusqu’au 6 mars, du samedi au mercredi de 10 à 17h30, jeudi et vendredi de 10 à 20h30. Gros catalogue en couleurs. Infos : 020.7323.8299 et www.britishmuseum.org Avec Eurostar : www.eurostar.com