Pascal Couchepin fait son show pour les profs d’éco

| sam, 21. sep. 2013
L’ancien président de la Confédération Pascal Couchepin a participé, jeudi à Bulle, à un séminaire d’économie politique. Avec sa verve légendaire, il a expliqué les raisons du succès de la Suisse.

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

«Un jour, mon frère est allé aider un vieux cousin âgé de 99 ans à remplir son bulletin de vote. “C’est facile, ça fait septante-neuf ans que je vote comme le Conseil fédéral”, lui a-t-il expliqué. Malheureusement, ce vieux cousin est mort.» Eclat de rire général dans la salle de conférence de l’Ecole professionnelle de Bulle (EPAC). En moins de deux minutes, Pascal Couchepin vient à la fois de vulgariser avec drôlerie sa causerie sur le thème «A quoi tient le succès actuel de la Suisse?» et de mettre dans sa poche la cinquantaine de participants à ce séminaire d’économie organisé chaque année à Bulle.
Durant près de deux heures, l’ancien président de la Confédération a dressé un état des lieux brillant de la réussite suisse. Sans notes, mais avec un sens de l’humour toujours très affûté, il a remonté les fils de cette histoire. «La démocratie directe est une utopie. Il faut relire les penseurs du XVIIIe siècle: confier le pouvoir à des gens sans fortune (qui n’ont donc rien à perdre) ou sans compétences particulières était très audacieux en 1848. N’importe qui peut dès lors contrebalancer la voix d’un savant ou d’un riche.»
Très volubile, l’ancien président de Martigny étaie son propos: «Les “organisations du sens” (partis politiques, églises, syndicats, etc.) qui donnaient leurs recommandations ont perdu de leur prestance. La société a évolué vers un jugement individuel. Il faut donc qu’on améliore les instruments pour développer les compétences des citoyens.»
Jamais avare d’une digression sur l’arrestation de Polanski à Zurich (il présidait le Conseil fédéral cette année-là) ou d’une pique sur Christoph Blocher, son meilleur ennemi, Pascal Couchepin fait son show.
Pour lui, la réussite de la Suisse est due à une conjonction de facteurs: une bonne croissance grâce à l’immigration, un chômage au plus bas, une inflation à la limite de la déflation, des finances publiques en général très saines, des taux d’intérêt au minimum, des assurances sociales en bonne santé (voilà pour la partie technique de son exposé).
«La Suisse a aussi fait de grands efforts d’ouverture à l’échelle mondiale, notamment vers la Chine, poursuit le Valaisan. Même si les droits de l’homme ne sont pas sa tasse de thé (on vous laisse trois secondes pour comprendre le jeu de mots).
En pleine forme, Pascal Couchepin passe de l’analyse la plus fine à l’anecdote la plus rigolote. Devant une assistance de profs d’économie parfois somnolants, il dissèque les raisons pour lesquelles il a torpillé les accords de libre-échange avec les Etats-Unis, qu’il s’est efforcé de faire capoter avec Blocher, «mais pour d’autres raisons que lui».


L’ouvrier sicilien en Argovie
Un Blocher qu’il ne manque pas d’égratigner – «personne ne peut être dans l’erreur partout», à propos de son entreprise Ems-Chemie – tout en rappelant que «l’entreprise grisonne a eu de la chance d’avoir un homme d’affaires de sa qualité».
Affable et lettré (il cite aussi bien Voltaire que Le Matin), malgré l’image qu’on a de lui par Yann Lambiel, Pascal Couchepin ne perd jamais le fil de sa démonstration. «Les accords de libre circulation n’ont pas eu de répercussions sur les bas salaires, comme certains le craignaient. On pensait que le petit ouvrier de Sicile viendrait faire de la concurrence en Argovie. Mais c’est faux! Qu’est-ce qu’un Sicilien viendrait faire dans un coin où il fait du brouillard à partir du 1er octobre et ce jusqu’au 30 septembre de l’année suivante…» Nouvelle tournée de rigolade générale.
En parfait chantre du libéralisme, le jeune retraité a défendu sa position sur l’affaire UBS – qui avait «besoin de 150 milliards de francs par jour pour ses besoins», rappelle-t-il – aussi bien qu’à propos de l’agriculture. «Je suis pour une politique agricole généreuse, mais quand même. On distribue 4 milliards en paiements directs et encore 4 milliards aux frontières: c’est beaucoup d’argent pour 50000 exploitations en Suisse…» Les concernés apprécieront.
En fin d’intervention, il en remettra encore une couche sur la politique énergétique, la fin du nucléaire, le gaz de schiste aux Etats-Unis, la mort d’Eschyle (et oui, il y a un rapport entre la mort du poète grec et l’utilisation du gaz de schiste en Amérique: la prise de risque…). Avant d’achever sa prestation sous un tonnerre d’applaudissements. Il était midi et l’apéro était, il est vrai, très attendu…

Commentaires

"Devant une assistance de profs d’économie parfois somnolants, il..." dommage de ternir l'image des profs !!!

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