L'ACÉTONÉMIE DE LA VACHE LAITIÈRE, UN ENJEU ÉCONOMIQUE MAJEUR

Le principal levier de prévention est le maintien de la capacité d'ingestion et d'absorption pendant le tarissement en évitant toute suralimentation au début du tarissement.© CHRISTIAN WATIER
Le principal levier de prévention est le maintien de la capacité d'ingestion et d'absorption pendant le tarissement en évitant toute suralimentation au début du tarissement.© CHRISTIAN WATIER (©)

Maladie métabolique sous-estimée, l'acétonémie est responsable de pertes économiques importantes de par son impact sur les performances zootechniques et sur l'apparition de troubles sanitaires. Son diagnostic et sa prévention à l'échelle du troupeau sont un investissement rentable.

LA BALANCE ÉNERGÉTIQUE NÉGATIVE CHEZ LA VACHE laitière au début de lactation est à l'origine de l'acétonémie clinique ou subclinique. La conséquence est une mobilisation des réserves de graisses corporelles sous cutanées et intra-abdominales comme source d'énergie sous forme d'acides gras non estérifiés (AGNE). Ce phénomène est inévitable en début de lactation à la suite du décalage temporel, entre le pic de lactation et celui de consommation de matière sèche. L'acétonémie peut être secondaire à toutes autres causes induisant une diminution de la consommation alimentaire. Le déficit nergétique, associé à cet amaigrissement physiologique, entraîne, s'il n'est pas maîtrisé, la production excessive de corps cétoniques par le foie, dont le plus important est le ß-hydroxybutyrate (ß-OH).

UNE ODEUR CARACTÉRISTIQUE

Les symptômes de l'acétonémie clinique sont une perte progressive de l'appétit, d'abord sur les concentrés puis sur les fourrages, associés à une chute progressive de la production laitière et à une perte de poids rapide et importante. Les matières fécales sont fermes et sèches et l'haleine de l'animal présente une odeur d'acétone caractéristique. Dans les cas extrêmes, une forme nerveuse peut se manifester : agressivité, tremblements, vache couchée… Cependant, dans la majorité des cas, les signes cliniques sont absents et seule l'augmentation de la concentration des corps cétoniques dans le sang ou le lait trahit la présence de l'acétonémie subclinique. La prévalence de cette maladie métabolique varie beaucoup en fonction des troupeaux, mais de récentes études nous indiquent qu'un tiers des vaches souffrent de cétose au cours des cinquante premiers jours de lactation.

La cétose clinique ne représente que la partie visible de l'iceberg puisque près de 30 % des vaches présentent une cétose subclinique. Les conséquences directes et indirectes de la cétose clinique et subclinique sont multiples et les pertes économiques d'environ 0,34 /l produit. Celles de l'acétonémie sont d'ordre zootechnique et sanitaire. On observe une diminution de la production laitière qui varie, selon les études, de 1,88 à 3,3 kg par jour en fonction de la concentration en ß-OH dans le sang, le seuil étant de 1,2 mmol/l. Une corrélation négative entre la cétose et les performances de reproduction a été démontrée. Plusieurs facteurs sont responsables de l'altération de la reproduction. L'amaigrissement important en début de lactation bouleverse l'épuration naturelle de l'utérus en augmentant les risques de métrites. Ensuite, la reprise de l'activité ovarienne et l'installation de la cyclicité sont perturbées avec des chaleurs non observées, des kystes ovariens et une mauvaise réussite en première IA. Pour finir, les AGNE et les ß-OH circulants sont responsables d'une dégradation de la qualité des ovocytes, augmentant les mortalités embryonnaires avec, au final, une baisse de la fertilité des vaches et un allongement de l'intervalle vêlage-vêlage. Physiologiquement, l'activité des cellules du système immunitaire est réduite en peripartum. Cette immunosuppression est accrue chez les vaches atteintes de cétose, augmentant ainsi les risques sanitaires comme les nondélivrances, les métrites et les mammites. L'acétonémie augmente également le risque de déplacement à gauche de la caillette et augmente le taux de réforme. Son diagnostic à l'échelle du troupeau se fera par l'interprétation combinée de marqueurs biochimiques spécifiques et par l'analyse et l'interprétation des taux de matières utiles. Les taux butyreux et protéique du lait sont des indicateurs précoces puisqu'ils évoluent sous 48 heures après un changement alimentaire. En début de lactation, l'acétonémie est responsable d'une augmentation du TB par lipomobilisation excessive et d'une diminution du TP, qui est le reflet du déficit énergétique. On observe une augmentation de l'écart entre le TB et le TP qui est normalement de 10 à 12 points. Le rapport.

TB/TP est alors supérieur à 1,5 en cas d'acétonémie. Il est intéressant de calculer ce rapport au premier contrôle pour le troupeau, et séparément pour les primipares et les vaches hautes productrices.

LE DIAGNOSTIC EN ÉLEVAGE

Les marqueurs biochimiques sont détectables dans le sang, l'urine et le lait pour les corps cétoniques, et uniquement dans le sang pour les AGNE. Avant de produire des corps cétoniques, la vache doit d'abord mobiliser ses réserves de matière grasse. C'est pourquoi les AGNE sont le premier marqueur d'un amaigrissement qui, souvent, débute avant le vêlage. La recherche des AGNE sur des vaches taries entre trois et dix jours avant vêlage ne doit pas dépasser 0,3 mmol/l. En ce qui concerne la détection des corps cétoniques, la méthode de référence est le dosage sanguin des ß-OH. Il est réalisable à la ferme grâce à un lecteur portable, l'Optium Xceed, ce qui permet le diagnostic en élevage. En dessous de 1,2 mmol/l, la vache est saine. La cétose subclinique se situe entre 1,2 et 2,9 mmol/l et la cétose clinique au-delà des 3 mmol/l.

Le dosage urinaire est le moins spécifique et la difficulté de la collecte de l'urine rend ce test peu pratique. Le développement d'un nouveau test sur le lait le Kétotest (Elanco) permet un dépistage en routine facile à réaliser par l'éleveur. Pour la prévention, la période allant de trois semaines avant et après le vêlage est fondamentale, mais elle n'est pas suffisante. Il faut éviter les vaches grasses au vêlage à la suite de la reprise excessive d'état corporel en fin de lactation ou au tarissement. De même, l'amaigrissement pendant le tarissement et une chute trop importante de l'ingestion avant le vêlage sont catastrophiques. Pour éviter cela, le principal levier est le maintien de la capacité d'ingestion et d'absorption pendant la période du tarissement, en éliminant toute suralimentation au début du tarissement. La réalisation d'une transition alimentaire vers la ration de lactation par une préparation au vêlage pendant trois semaines est primordiale.

L'IMPORTANCE DU CONFORT DES ANIMAUX

Ensuite, la gestion du stress et du confort des vaches en début de lactation pour favoriser au maximum l'ingestion après vêlage révèle toute son importance. Il faut être vigilant sur le confort du couchage, le nombre de places à table, l'abreuvement, la présence de ration à volonté et accessible en permanence, l'absence de boiteries et d'acidose. Tous ces éléments tendent vers un même objectif : limiter la balance énergétique négative, et donc la mobilisation excessive des réserves corporelles.

Le bilan sanitaire annuel est un moment privilégié pour identifier les troubles majeurs de l'élevage et l'implication potentielle de l'acétonémie. Ensuite, le suivi, avec votre vétérinaire, des notes d'état corporel et des scores de remplissage du rumen au tarissement et au cours de la lactation, associés à des dosages sanguins permettent d'infirmer la présence d'acétonémie. Le cas échéant, on peut apporter les corrections qui s'imposent.

PIERRE KIRSCH, VÉTÉRINAIRE

La méthode de référence est le dosage sanguin des ß-OH. Il est réalisable à la ferme grâce à un lecteur portable, l'Optium Xceed. En dessous de 1,2 mmol/l, la vache est saine. La cétose subclinique se situe entre 1,2 et 2,9 mmol/l et la cétose clinique audelà des 3 mmol/l.