Femme à sa toilette de Berthe Morisot : focus sur un chef-d’oeuvre

Femme à sa toilette de Berthe Morisot : focus sur un chef-d’oeuvre
Berthe Morisot, Femme à sa Toilette, 1875-1880, huile sur toile, 60,3 x 80,4 cm, Chicago, Art Institute of Chicago © Art Institute of Chicago

Impressionniste de la première heure, Berthe Morisot (1841-1895) fut particulièrement attentive à la figure humaine et explora mieux qu'aucun autre l'inachèvement de la peinture. À l'occasion de la grande rétrospective que lui consacre le musée d'Orsay, découvrez l'une de ses œuvres les plus émouvantes : « Femme à sa toilette ».

Présentée lors de la deuxième exposition impressionniste à la galerie Paul Durand-Ruel en 1876, Femme à sa toilette condense, aux yeux des critiques du temps, les traits stylistiques qui placent Berthe Morisot parmi les figures majeures du mouvement, en même temps qu’ils induiront sa réception à plus long terme.

« Sexe faible » et peinture

Depuis la controverse qui a opposé, dès le XVIe siècle et même auparavant, partisans du dessin et partisans du coloris, la construction idéologique du masculin et du féminin a profondément déterminé la critique et l’histoire de l’art. Mais plus encore, réservant aux hommes l’apanage de l’esprit, elle a confiné les rares femmes qui s’aventuraient à pratiquer la peinture dans la sphère étroite qui convenait à la « faiblesse » de leur sexe. Et l’appréciation de leur style, quand elles parvenaient à s’émanciper du dilettantisme et de l’amateurisme, aux qualités « naturelles » de leur genre. Spontanéité, charme, grâce, délicatesse, fraîcheur, subtilité, raffinement, sensation, émotion : cette symphonie en blanc et gris d’une femme devant son miroir, dirigée d’une brosse alerte, a en effet été perçue durablement comme l’expression même d’un art « féminin » qui semble s’affirmer ici autant dans sa manière que dans son sujet.

Berthe Morisot, Femme à sa Toilette, 1875-1880, huile sur toile, 60,3 x 80,4 cm, Chicago, Art Institute of Chicago © Art Institute of Chicago

Berthe Morisot, Femme à sa Toilette, 1875-1880, huile sur toile, 60,3 x 80,4 cm, Chicago, Art Institute of Chicago © Art Institute of Chicago

L’impressionnisme : une féminisation de l’art de peindre ?

Privilégiant la construction par la couleur et la lumière plutôt que par la ligne, l’expression de la sensation et de l’impression visuelle plutôt que le dessein conceptuel, une vision unifiée plutôt que la hiérarchisation de la figure et de l’arrière-plan, l’impressionnisme semble lui-même relever d’une « féminisation » de l’art de peindre ; cela explique en partie le rejet dont il eut à pâtir. Mais Berthe Morisot, déterminée à s’affirmer en peintre, et en peintre qui vend ses œuvres, a su développer une stratégie capable de transcender ces a priori.

Berthe Morisot, Autoportrait, 1885, huile sur toile, 61 x 50 cm, Paris, musée Marmottan Monet.

Berthe Morisot, Autoportrait, 1885, huile sur toile, 61 x 50 cm, Paris, musée Marmottan Monet ©Bridgeman Images

L’art moderne de Morisot

S’emparant d’un sujet à la mode, la Parisienne, bourgeoise, mondaine et élégante, s’accordant par sa touche mobile, proche de l’esquisse, comme par sa palette claire et brillante, à l’engouement de son temps pour la peinture du XVIIIe siècle et particulièrement le rococo, elle s’impose sur la scène artistique sans enfreindre les limites de la sphère intime qui conviennent à son sexe, mais sans céder non plus au sentimentalisme pittoresque ou au voyeurisme. Dans l’espace incertain d’une chambre ou d’un boudoir, elle a su donner le champ libre à cette « nouvelle peinture » que le critique Duranty appelait de ses vœux dans son essai manifeste de l’impressionnisme paru en 1876.

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