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Sarkozy et les médias: retour sur dix ans de coups de pression

Patrick de Carolis, alors président de France Télévisions et Nicolas Sarkozy, candidat à la présidentielle, en mai 2007, dans les locaux de la chaîne publique, avant un débat face à Ségolène Royal.

Patrick de Carolis, alors président de France Télévisions et Nicolas Sarkozy, candidat à la présidentielle, en mai 2007, dans les locaux de la chaîne publique, avant un débat face à Ségolène Royal. - Eric Fefferberg - AFP

Les relations entre l'ancien chef de l'Etat et les médias sont de nouveau au coeur de l'actualité, à travers le livre Les Ailes intérieures, signé Patrick de Carolis, l'ex-patron de France Télévisions, à paraître jeudi. Retour sur plus de dix ans de relations tumultueuses faites d'accusations d'ingérence et de connivence.

Nicolas Sarkozy, alors qu'il était le chef de l'Etat, a-t-il exigé que Patrick de Carolis écarte certains journalistes et animateurs de l'antenne? L'ancien président de France Télévisions raconte dans un livre à paraître jeudi (Les Ailes intérieures, Plon) que Nicolas Sarkozy lui aurait demandé, en échange de sa reconduction à la tête du groupe, de se séparer de Patrice Duhamel, Arlette Chabot, Franz-Olivier Giesbert, Laurent Ruquier et Patrick Sébastien.

Hasard du calendrier, un reportage d'Envoyé Spécial sur l'affaire Bygmalion et le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, censé être diffusé prochainement, connaît un destin contrarié sur France 2.

Entre accusations d'ingérence et de connivence, les relations parfois ambigües que Nicolas Sarkozy a entretenues et entretient encore avec les médias ressurgissent donc.

Ami des patrons de presse et des groupes de médias, de Martin Bouygues (TF1) à Arnaud Lagardère (Europe 1, Paris Match, le JDD), en passant par Serge Dassault (Le Figaro), Bernard Arnault (La Tribune) et François Pinault (Le Point), Nicolas Sarkozy a plus d'une fois usé de ces relations privilégiées. "Sarkozy tient-il les médias?", s'interrogeait L'Express dans un papier de mai 2007 au moment de son élection. Tandis que le quotidien Libération enquêtait, lui, sur "La haute main de Sarkozy sur les médias".

Coups de pression, coups de fils et conseils, Nicolas Sarkozy n'a en tout cas pas attendu d'être président pour dicter leur conduite aux médias. Dès 2005, alors qu'il est ministre de l'Intérieur, au moment des émeutes, il met la pression sur les rédactions des JT de TF1 et de France 2.

Les émeutes de 2005 et le coup de fil à Martin Bouygues

Les journalistes Jamal Henni (BFMBusiness) et Aude Dassonville (Télérama) ont interrogé à ce sujet le journaliste Thomas Hugues, qui témoigne dans leur livre TF1: Coulisses, secrets, guerres internes, paru en mars 2016. Celui qui était alors co-présentateur de Sept à Huit évoque un "sujet en caméra cachée" dans lequel des policiers provoqués par les jeunes d'une banlieue de Lyon leur promettent une fin "grillés dans le transfo", une allusion au drame qui a coûté la vie à Zyed et Bouna en 2005. Le sujet est diffusé sur TF1 dans le dominical Sept à Huit, après avoir été validé par Etienne Mougeotte et Robert Namias. "Et le lundi: Nicolas Sarkozy a appelé Martin Bouygues, qui a appelé Patrick Le Lay, qui nous a mis une soufflante...", raconte Thomas Hugues.

Cécilia Sarkozy en une de Paris Match avec Richard Attias

En 2005, toujours, Alain Genestar, le directeur de la rédaction de Paris Match est licencié pour "dérives déontologiques", après avoir publié en une de l'hebdomadaire les premières photos de l'idylle entre Cécilia encore mariée à Nicolas Sarkozy, et Richard Attias. "Je tiens à préciser que le ministre de l'Intérieur, quand il affirme n'être pour rien dans mon licenciement, ne dit pas la vérité", explique le journaliste dans Le Monde en novembre 2006. Dans un livre qu'il a écrit sur le sujet, il note: "J'ai pu ressentir en parlant très brièvement au téléphone avec Nicolas Sarkozy, la violence qui, s'abattant sur moi, s'était abattue sur Arnaud Lagardère. Et j'ai compris. La pression avait été trop forte".

C'est donc de lui-même qu'Arnaud Lagardère a décidé de faire stopper la publication dans le JDD de l'information selon laquelle Cécilia Sarkozy n'était pas allée voter le 6 mai 2007.

Harry Roselmack au JT de TF1

En 2006, c'est l'épisode Harry Roselmack. Le journaliste devient le joker de Patrick Poivre d'Arvor. Une information que Nicolas Sarkozy annonce... avant TF1. Jamal Henni et Aude Dassonville le racontent également dans leur livre. "Grâce aux liens qui me rapprochent de Martin Bouygues, je sais qu'il y aura un Noir au 20 heures de TF1 cet été", lance le ministre lors d'un dîner des membres du club Averroes. Une annonce qui vise à faire oublier l'épisode des "racailles" à Argenteuil mais aussi la phrase sur "le rôle positif de la colonisation", et "s'assurer un bon accueil aux Antilles, où il avait prévu un déplacement en mars", écrivent les auteurs.

La séquence fuitée de France 3

La diffusion sur le web d'une séquence "off" sur le plateau du JT de France 3, en 2008 montrant l'agacement de Nicolas Sarkozy à l'encontre d'un technicien et son ironie à l'égard d'un journaliste, fait grand bruit. France 3 dépose plainte contre X pour "vol, recel et contrefaçon". Un journaliste de Rue89, qui a publié la vidéo, est mis en examen en 2010.

Pierre Haski, patron de Rue89 déclare alors: "On se paye deux cibles d'un seul coup dans cette affaire: on veut remettre au pas France 3, qui est la chaîne que Sarkozy a dans le collimateur depuis longtemps, et on envoie un signal d'intimidation au monde d'Internet, qui pour l'instant ne joue pas le jeu de cette information politique qui est de plus en plus de la communication".

Quatre ans après, l'affaire se solde cependant par un non-lieu pour "absence de preuves".

Magali Rangin