Une œuvre en détails

« La Toilette » de François Boucher : sous les jupons de la passion

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Publié le , mis à jour le
Figure majeure de la peinture française du XVIIIe siècle, François Boucher fut aussi un fervent collectionneur de chinoiseries. Ces objets (paravents, étoffes, bibelots), rapportés en France par la Compagnie des Indes, l’inspirèrent autant pour ses « sujets chinois » que pour ses scènes de genre, comme en témoigne cette Toilette, une œuvre truffée de détails sensuels et exotiques. Glissons-nous discrètement dans l’intimité de ce boudoir pour en dévoiler les mystères.
François Boucher, La Toilette
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François Boucher, La Toilette, 1742

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La coquetterie dans le boudoir

Bienvenue dans l’intimité (fantasmée) d’un boudoir au XVIIIe siècle ! Installée près de la cheminée où crépite le feu, une jeune femme, dont la robe bleu ciel aux jupons bouffants est relevée sur sa cuisse, ajuste sa jarretière. Son regard doux se porte sur sa dame de compagnie, qui lui présente un bonnet. Rien ici ne semple contrarier l’ambiance feutrée de cette scène de genre, que François Boucher peint en 1742. Le peintre est alors l’un des principaux représentants du style rocaille (ou « rococo ») en France, et est considéré, en plein cœur du siècle libertin, comme le maître incontesté de la frivolité et de l’érotisme. Chaque détail, chaque matière fidèlement rendue est ici une célébration des sens…

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

François Boucher, La Toilette (détail)
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François Boucher, La Toilette (détail), 1742

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Beauté rococo

Comment ne pas être charmé par ce doux minois ? Entouré d’une chevelure poudrée, le visage de cette élégante correspond en tout point aux canons esthétiques rococo : une peau de nacre, des joues rondes teintées de rose, des sourcils expressifs et soigneusement dessinés, ainsi qu’un charmant petit nez retroussé et une bouche carmin et charnue. Malgré son air ingénu, la jeune femme n’en demeure pas moins follement sensuelle car, nouant sa jarretière, elle laisse entrevoir l’intérieur de sa cuisse. En suivant l’axe suggéré par sa jambe galbée, les yeux du spectateur – ici un brin voyeur, comme le portrait qui semble observer la scène, caché derrière le paravent – sont naturellement guidés vers sa gorge lumineuse, qui le mène enfin à contempler sa figure angélique rehaussée d’une mouche. Située à cet endroit précis, elle signifie de la personne qui l’arbore qu’elle est passionnée. Enfin, comble de l’allusion érotique, un chat joueur se débat à ses pieds avec une pelote (dont le fil conduit à une bourse suspendue au pare-feu !)… et se lèche les babines.

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

François Boucher, La Toilette (détail)
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François Boucher, La Toilette (détail), 1742

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Paisible chaos

Impossible dès lors de ne pas être distrait par le désordre qui règne dans la pièce ! Pour illustrer la passion qui anime sûrement le cœur de notre élégante, Boucher représente un plumeau et un soufflet qui viennent sans doute d’être utilisés afin d’attiser le feu, dont les flammes rougeoient dans l’âtre de la cheminée. Sur le rebord en marbre, sont disposés pêle-mêle un délicat ruban de soie rose – qui rappelle autant la jarretière que le corsage de la jeune femme –, un oiseau de céramique, et, au centre, un imposant vase chinois en céladon rehaussé de bronze doré. Au pied d’un chandelier, une mystérieuse lettre attend son cachet… Autant d’indices qui annoncent la visite prochaine d’un amant !

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

François Boucher, La Toilette (détail)
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François Boucher, La Toilette (détail), 1742

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Un visiteur inattendu ?

Une chose est donc sûre : la toilette n’est ici qu’un prétexte, le peintre ayant un goût particulier pour représenter les femmes dans leurs moments les plus intimes, qui vont souvent de pair avec leurs tentations libertines. Un courant d’air provoqué par la porte vitrée entrouverte, fait bouger le rideau de la pièce voisine, plongée dans l’obscurité. L’amant de la jeune femme est-il en avance ? Cet effet de surprise pourrait en tout cas expliquer le déséquilibre du corps de la dame de compagnie, qui semble faire un mouvement de recul. Heureusement, le thé, quant à lui, est prêt, comme en témoigne la théière fumante sur la desserte.

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

François Boucher, La Toilette (détail)
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François Boucher, La Toilette (détail), 1742

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Précieuses étoffes

Qu’il s’agisse de portraits officiels de la marquise de Pompadour ou de scènes galantes, François Boucher accorde une attention et un soin particuliers à la représentation du vêtement. Grâce à d’habiles jeux d’ombre et de lumière, il explore les matières dans leurs moindres détails et leurs moindres plis. Un rendu réaliste qui donnerait presque envie de toucher ! Du flamboyant tissu relevé sur le miroir au manteau rouge négligemment posé sur un fauteuil et aux jupons des ces dames, ici, les luxueuses étoffes occupent près des trois quarts de la toile. Le peintre attire également notre attention sur la robe de la dame de compagnie nous tournant le dos, dont la silhouette, autant que la toilette, rappelle une célèbre œuvre d’Antoine Watteau, L’Enseigne de Gersaint (1720). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, plus tard, ces plis caractéristiques des robes à la française furent baptisés les « plis Watteau » !

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

François Boucher, La Toilette
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François Boucher, La Toilette, 1742

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Raffinement d’Orient

Le service à thé, comme le paravent et l’écran de cheminée fleuris, témoignent ici d’un engouement particulier que connaîtra la France sous la Régence, mais aussi l’Europe : celui pour les arts décoratifs venus de Chine. En France, la Compagnie française des Indes rapporte notamment du thé, des étoffes et de nombreux objets et bibelots. À l’image de nombreux collectionneurs de la place parisienne, François Boucher raffole de ces « chinoiseries » qu’il collectionne malgré leur prix souvent élevé. Sa collection, dispersée après sa mort en 1770, comptait plus de 700 objets !

Huile sur toile • © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid

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Une des provinces du Rococo. La Chine rêvée de François Boucher

Du 9 novembre 2019 au 2 mars 2020

Retrouvez dans l’Encyclo : Rococo François Boucher

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