La Confédération Suisse

Introduction

La Suisse est une République fédérale organisée sous la forme d’un régime parlementaire. Chaque entité géographique et politique qui constitue le territoire de la Suisse dispose d’une forte autonomie. Le pays est découpé en 26 cantons, disposant de leur propre constitution, de leurs propres lois, de leur propre parlement et de leur propre gouvernement. Les 2 500 communes à l’intérieur de ces cantons jouissent également d’une certaine autonomie (selon les cantons).

La démocratie suisse, unique au monde, est un système mixte entre démocratie directe et démocratie représentative.

Indicateurs

SuisseFrance
Qualité du processus électoral10,900,88
Robustesse des institutions10,960,92
Participation politique28,337,78
Culture démocratique29,386,88
Nombre effectif de partis36,473,72
1 Indices V-Dem de 0 à 1 ; 2 Democracy index de 0 à 10 ; 3 Calcul

Organigramme

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Pouvoir Législatif

Les deux chambres de l’Assemblée fédérale disposent exactement des mêmes droits. Pour certaines décisions (les élections notamment), elles se réunissent en assemblée plénière.

Les juges, les commandants de l’armée, et les fonctionnaires fédéraux ne peuvent être élus à l’Assemblée fédérale. L’Assemblée élit les chefs d’État-major de l’armée suisse.

Le Conseil national

Le Conseil national est la chambre basse du Parlement, il est composé de 200 conseillers élus tous les 4 ans par circonscription électorale selon leur population. Dans les 6 demi-cantons qui n’ont qu’un siège de député à pourvoir, les députés sont élus au scrutin majoritaire à un tour.

Dans les 20 autres cantons, les conseillers sont élus au scrutin proportionnel plurinominal à liste ouverte. En pratique, les électeurs de chaque circonscription votent pour une liste de candidats de leur choix (équivalente au nombre de sièges à pourvoir dans la circonscription).

Le Conseil des États

Le Conseil des États est la chambre haute du Parlement, il est composé de 46 conseillers, deux pour chaque canton, sauf les 6 demi-cantons qui ne disposent que de 1 conseiller.

Les cantons déterminent librement les conditions dans lesquelles les conseillers sont élus.

Les Commissions de l’Assemblée fédérale

CommissionsMembres du Conseil nationalMembres du Conseil des États
Finances2513
Gestion2513
Politique Extérieure2513
Science, éducation et culture2513
Sécurité sociale et santé publique2513
Environnement, aménagement du territoire et énergie2513
Politique de sécurité2513
Transports et télécommunications2513
Économie et redevances2513
Institutions politiques2513
Affaires juridiques2513
Immunité18
Programme de la législature en cours2513

D’autres commissions et délégations spécifiques sont constituées, notamment afin de gérer les relations avec les parlements des pays voisins et de l’Union Européenne.

En outre, des commission d’enquête parlementaire temporaires peuvent être constituées pour étudier des sujets particuliers.

Les sièges des commissions sont attribués aux Groupes parlementaires, autrement appelées Fractions, qui rassemblent les députés des deux chambres selon leurs orientations politiques. Ainsi, un député qui ne ferait partie d’aucun groupe parlementaire n’aurait aucune chance de siéger en commission.

Processus législatif

Les députés de l’Assemblée fédérale peuvent contribuer à l’initiative législative de trois manières différentes :

Initiative parlementaire : tout député suisse (Conseil national, Conseil des États, et Parlements cantonaux) peut déposer un projet de loi auprès de l’Assemblée fédérale. Toutefois, il ne peut s’agir d’un projet qui est déjà à l’étude de l’Assemblée. Le projet peut être écrit en termes spécifiques ou généraux, le cas échéant la commission qui en aura la charge pourra développer le projet de loi. Dans les faits, la procédure est surtout utilisée pour modifier ou créer des lois simples. Environ 100 initiatives par an.

La motion est une demande de l’Assemblée fédérale formulée auprès du Conseil fédéral pour que celui-ci élabore et lui soumette un projet de loi ou prenne une mesure particulière. Comme les lois, la motion est examinée par les commissions puis votée par les deux chambres. Environ 400 motions par an.

Le postulat est une motion dont les termes sont moins précis et plus souples pour le Conseil fédéral : celui-ci est libre d’examiner l’opportunité du postulat et de présenter ou non un projet de loi ou une mesure. En outre, la procédure est simplifiée et ne nécessite le vote que d’une seule chambre. Environ 200 postulats par an.

Dans la majorité des cas, l’initiative législative relève du Conseil fédéral qui soumet directement ses projets à l’Assemblée fédérale. Le processus législatif classique est alors le suivant :

  1. L’administration fédérale prépare un avant-projet en concertation avec des experts et des fonctionnaires.
  2. Cet avant-projet est transmis à une commission de représentants de groupe d’intérêts, de partis, et d’autorités publiques qui rédigent un projet de loi.
  3. Le Conseil fédéral lance une procédure de consultation autour de ce projet afin de récolter l’avis et les commentaires des partis, des cantons, et des milieux intéressés.
  4. L’administration fédérale rédige à nouveau le projet en s’inspirant de la concertation précédente, puis, celui-ci est présenté à l’Assemblée fédérale par le Conseil fédéral.
  5. Les présidents des deux chambres déterminent quelle chambre sera prioritaire sur l’examen de ce projet.
  6. La commission compétente de la chambre prioritaire examine le projet et émet des recommandations de vote.
  7. La chambre prioritaire décide d’entrer ou non en matière sur le projet.
  8. Si la chambre prioritaire se saisit du projet, elle l’examine article par article et propose une version éventuellement amendée qu’elle soumet au vote.
  9. Si le projet est accepté par la chambre prioritaire, il est transmis à l’autre chambre qui peut, de la même manière l’amender et le passer au vote pour transmission à l’autre chambre.
  10. La navette s’interrompt lorsqu’une chambre adopte sans amendement le projet de l’autre chambre, ou lorsque deux aller-retours ont eu lieu. Le cas échéant une procédure de conciliation cherche à établir un compromis qui, s’il n’est pas atteint, provoque l’abandon du projet.
  11. Si le projet est accepté par les deux chambres, une période référendaire de 100 jours commencent à courir, à l’intérieur de laquelle tout citoyen peut lancer un référendum facultatif. Le référendum n’est valable que si la demande est appuyée par au moins 50 000 signatures. Le cas échéant, le projet de loi est soumis au référendum du peuple qui statue sur sa publication ou son abandon. Si aucun référendum n’est lancé, le projet est publié au bout de 100 jours.

Les Parlements cantonaux

Chacun des 26 cantons dispose d’un parlement dont les membres sont élus selon les modalités propres à chaque canton, tant qu’ils sont élus par le peuple. Au total, les parlements cantonaux regroupent environ 2 600 députés suisses.

Les Parlements cantonaux votent les lois cantonales qui, par définition, sont celles qui ne sont pas de l’attribution de la Confédération.

Référendum obligatoire

Le référendum obligatoire concerne toute modification de la Constitution, ainsi que d’autres décisions de portée fédérale (adhésion à une organisation internationale). Ce référendum est adopté à la double majorité des citoyens suisses et des cantons.

Référendum facultatif

Le référendum facultatif intervient dans le processus législatif tel que décrit ci-avant, à l’étape 11. Le référendum peut être déclenché par 50 000 citoyens ou 8 cantons (via leur parlement) ; le cas échéant, le projet de loi est soumis à la votation du peuple avant d’entrer en vigueur.

L’initiative populaire

Tout citoyen peut proposer une modification de la Constitution. Il a 18 mois pour réunir 100 000 signatures, suite à quoi le projet de révision constitutionnelle est transmis à l’Assemblée fédérale et le Conseil fédéral qui vérifient l’adéquation du texte avec les principes constitutionnels et les accords internationaux. Une fois cet examen achevé, le projet passe en votation devant l’ensemble des citoyens. En pratique, le Conseil fédéral initie, en parallèle, un contre-projet de révision constitutionnelle qui sera voté en même temps que l’initiative populaire. La double majorité des citoyens et des cantons est requise.

Référendums cantonaux

Certains cantons prévoient le recours au référendum pour traiter des sujets supplémentaires de niveau cantonal :

  • Initiative populaire législative : les citoyens peuvent proposer l’adoption d’une nouvelle loi
  • Référendum financier : certaines lignes budgétaires doivent nécessairement être approuvées par voie de référendum
  • Référendum législatif : les lois adoptées par le parlement cantonal doivent être approuvées par voie de référendum

Pétitions

Le droit de pétition est prévu dans la Constitution, et les pétitions adressées au Conseil fédéral obtiennent généralement une réponse.

Statistiques

PériodeRéférendums obligatoiresRéférendums facultatifsInitiatives populairesContre projet
1848 – 1910323080
1911 – 1930178162
1931 – 19501416131
1951 – 19703419162
1971 – 19906430518
1991 – 20003536341
2001 – 20101628362
1848 – 201021216717416
Taux d’acceptation74,5%55.7%9,5%37,5%

Pouvoir Exécutif

Le Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est composé de 7 membres élus pour 4 ans par l’Assemblée fédérale. Le pouvoir est exercé sous forme directoriale (ou collégiale), c’est-à-dire que les décisions sont prises par consensus des 7 membres, et que les décisions du Conseil sont portées par chacun de ses membres en dépit de ses positions et opinions personnelles.

Un Président de la Confédération est élu pour 1 an par l’Assemblée fédérale parmi les membres du Conseil. Il a une fonction de représentation de la Confédération, mais ne dispose pas de pouvoir spécifique vis-à-vis de ses pairs du Conseil.

Chacun des 7 membres préside un département (ministère) de l’administration fédérale :

  • Les Affaires Étrangères
  • L’Intérieur
  • La Justice et police
  • La Défense, la Protection de la population et les Sports
  • Les Finances
  • L’Économie
  • L’Environnement, les Transports, l’Énergie et la Communication

La Chancellerie fédérale

La Chancellerie fédérale est un organe administratif qui assiste le Conseil fédéral dans sa direction des affaires gouvernementales. Elle est dirigée par un Chancelier de la Confédération élu par l’Assemblée Fédérale et compte environ 270 fonctionnaires répartis dans les secteurs suivants :

  • Secteur du chancelier (droits politiques : arbitrage du pouvoir entre la Confédération, les Cantons, et les Communes)
  • Secteur communication et stratégie
  • Secteur du Conseil fédéral
  • Secteur des services internes

En outre, c’est la Chancellerie fédérale qui est le garant des diverses procédures de référendum facultatifs et d’initiative populaire.

Gouvernement cantonal

Les cantons sont administrés par un gouvernement cantonal qui comporte de 5 à 7 membres. Comme au niveau fédéral, il s’agit d’un régime directorial : le collège des membres du gouvernement prennent les décisions à la majorité et en défendent la position, quelle que soit leur opinion personnelle.

Contrairement au Conseil fédéral, le gouvernement cantonal est élu directement par les citoyens de chaque canton, de même que son Président.

Pouvoirs Judiciaires

Les Cours

La Cour Plénière est l’autorité judiciaire de dernière instance pour toutes les juridictions (civile, pénale, et administrative).

Elle est composée de 38 juges ordinaires et 19 suppléants, tous élus par l’Assemblée Fédérale pour une durée de 6 ans, ainsi qu’un Président et Vice-Président élus parmi les juges pour une durée de 2 ans. La réélection est possible sans limite et est quasiment systématique.

Chaque juge ordinaire est affecté à l’une des 7 Cours du Tribunal Fédéral (2 de droit public, 2 de droit civil, 1 de droit pénal, et 2 de droit social). Les présidents de Cour sont élus par la Cour Plénière et sont réunis dans l’institution de la Conférence des présidents qui est chargée d’uniformiser les décisions judiciaires prises par les différentes Cours.

En théorie, tout citoyen suisse majeur et de moins de 68 ans peut être élu en tant que juge ordinaire, toutefois l’Assemblée Fédérale a pour usage de respecter certains critères supplémentaires : équilibre des partis politiques (réplication de la répartition de l’Assemblée Fédérale) et équilibre des langues. Cela a notamment pour conséquence l’impossibilité pour des juges non politisés d’être élus à cette charge.

Administration

Composée du Président, du Vice-Président et de trois juges élus par la Cour Plénière, la Commission administrative assure l’administration du Tribunal Fédéral et adopte le budget et les comptes à transmettre à l’Assemblée Fédérale pour approbation. Le Tribunal Fédéral est donc pleinement indépendant vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Le Secrétariat général met en œuvre les décisions de la Commission administrative, il est présidé par un Secrétaire général (élu par la Cour Plénière) et emploie environ 300 fonctionnaires.

Instances cantonales

Les tribunaux de première instance et les cours suprêmes sont administrées au niveau cantonal selon des modalités propres à chaque canton.

Conclusions

  • Le pouvoir est scindé verticalement entre trois niveaux d’autonomie : la Confédération, les Cantons, et les Communes. La marge de manœuvre de la Confédération est donc limitée, d’autant qu’elle n’a elle-même pas les moyens d’appliquer sa politique, ce sont les cantons qui l’exécutent. Cette situation nécessite un haut degré de concertation entre la Confédération et les Cantons.
  • La séparation des pouvoirs est à un stade avancé dans le système suisse, mais les partis politiques disposent d’un poids considérable dans chaque institution, il s’agit même du critère principal de sélection des candidats lors de l’élection des membres du Conseil fédéral ou des juges des Tribunaux fédéraux.
  • Les citoyens disposent de nombreux instruments de démocratie directe pour contrôler les lois et la Constitution, ce qui explique le fort engouement de ces citoyens pour leur système politique (approbation de l’ordre de 80%).
  • Les référendums sont déclenchés par les citoyens et non par le gouvernement, qui doit en subir l’agenda et s’y adapter en proposant des contre-projets. Cela diffère radicalement du système français par exemple, où le référendum est de l’initiative des autorités de l’État et de ses représentants (certains auteurs parlent de « plébiscite » plutôt que de référendum).
  • La collégialité de l’exécutif couplée avec la crainte du référendum facultatif créent un contexte où le consensus est sans cesse recherché : entre les départements fédéraux, entre la Confédération et les cantons, entre les partis politiques, entre l’exécutif et le législatif, entre l’État et les citoyens. Les décisions sont donc longues à prendre dans ce système, mais elles contentent une majorité des parties prenantes.

Sources

Démocratie, le laboratoire Suisse – Antoine Bevort

Constitution de la Confédération Suisse de 1999

https://www.ch.ch/fr/democratie/

https://www.parlament.ch/fr

10 réflexions sur “La Confédération Suisse

  1. Sans connaître tous ces détails techniques de la confédération suisse, je me suis peu à peu fait un avis sur la gouvernance suisse en tant qu’habitante pendant une dizaine d’années scindée en deux périodes. Dans les mentalités, les suisses se sentent beaucoup plus responsables à titre individuel de leur propre parcours, et du bien commun qu’en France. Je suis française. Globalement, le système Suisse valorise le point de vue personnel, avec de nombreux référendums. Le bémol est qu’il faut parfois répondre à trois questions en un seul point, et donc, on peut finir par accepter une proposition qui ne nous convient pas. De plus, il faut bien avoir en tête que la Suisse compte 8,5 millions d’habitants, moins que la région parisienne, 12,2 millions. Sur ces 8,5 millions, 26 cantons, 26 systèmes scolaires proches mais différents. J’habite le canton de Vaud, le « lycée » dure 3 ans, à 10 km se trouve le canton de Genève, le « lycée » dure 4 ans. Les objectifs finaux sont similaires. Est-il possible de créer de tels petits territoires en France? Ca serait top! Au delà du système politique, le système social est beaucoup plus responsabilisant aussi. Chacun paie sa propre assurance maladie obligatoire, et une assurance complémentaire pour ceux qui le souhaitent. Chacun met de côté pour sa propre retraite. Les gens gagnent beaucoup mieux leur vie qu’en France, mais le coût de la vie n’est pas comparable, beaucoup plus chère. La Suisse est un pays qui privilégie la location à l’achat immobilier aussi. Ce que je veux souligner, c’est qu’un système politique en soi ne me semble pas suffisant à prendre en compte pour comprendre la démocratie, le système est plus global : système politique + système éducatif + système et mixité sociaux + possibilité réelle pour une personne pauvre de gravir les échelons économiques et/ou politiques jusqu’aux plus hautes responsabilités.

    Aimé par 1 personne

    • Merci pour votre témoignage. Ici je me suis intéressé à la mécanique du système suisse parce qu’elle est très singulière au niveau mondial, aucun autre système ne fonctionne de la sorte. Cela dit, vous avez parfaitement raison de souligner l’importance des divergences culturelles entre la Suisse et la France par exemple. Nous n’avons pas la même géographie, pas la même histoire, pas les mêmes langues, pas les mêmes fromages. Il me semble assez inconcevable qu’un tel système puisse s’appliquer en France aujourd’hui. Mais il est aussi intéressant de se demander si ce sont les suisses qui ont construit leur modèle démocratique à leur image, ou si c’est leur modèle (imposé par des contraintes externes comme la menace du Saint-Empire et de la France) qui leur a permis d’avoir cette culture démocratique. Sûrement un peu des deux, j’imagine.

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  2. Ce qui me semble très démocratique en Suisse, c’est le fait que les décisions sont vraiment prises d’abord au niveau local puis s’élargissent vers le niveau cantonal puis fédéral. Les gens peuvent donc s’intéresser à ce qu’ils connaissent, à leur environnement, éventuellement à des personnes qu’ils ont rencontrées dans leur vraie vie. Leur modèle me paraît une base très démocratique, mais bien sûr, il existe des lacunes. Je ne sais pas exactement comment fonctionne le système social, nous ne voyons pas ou très peu de mendiants en Suisse, la mendicité est interdite, je ne sais pas comment les plus démunis sont pris en compte, nous ne les voyons pas vraiment.

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