Un livre 5 questions : « Success Story » de Romain Ternaux et Johann Zarca

La drogue en anecdotes et chiffres réels

Quatre villes suisses, parmi les plus riches au monde, Zurich, St-Gall, Genève et Bâle, des métropoles connues pour leurs places financières, les multinationales qui s’y sont implantées et leur importance politique, se partagent le discutable honneur de figurer dans le Top 10 des villes européennes avec le plus fort taux de consommation de cocaïne et d’ecstasy. La onzième c’est Berne. Par ailleurs, Stephen King prétend avoir écrit des livres entiers, en quelques jours seulement, sous l’emprise de la cocaïne,  et l’écrivaine Virginie Despentes dit avoir rédigé en moins d’une semaine, dopée à la coke, Les jolies choses, roman qui a reçu deux prix et dont on a tiré un film.

Success Story: une fiction totalement loufoque

Des exemples dont on pourrait déduire que, pour devenir riche et célèbre, il faut consommer des produits que la sagesse et la morale réprouvent. Un pas que les troublions de la littérature hexagonale Romain Ternaux, Johann Zarca – Prix de Flore 2017 – et les Éditions de La Goutte d’OrSteak Machine, On ne naît pas grosse, Surdose, L’Amour sous algorithme – n’ont pas hésité à franchir dans une allégresse à défoncer toutes les bienpensances. Success Story est un feel-good irresponsable -selon le bandeau qui l’accompagne- où les drogues et l’alcool se sniffent et s’avalent à chaque page. Une énorme bouffonnerie déjantée à découvrir après avoir enfilé notre plus bel habit d’humour. Avantage de ce roman au parfum de beuh à lire sans parachute: il nous démonte les muscles zygomatiques et nous démet les méninges en nous épargnant l’hémorragie massive et la flétrissure des parois nasales.

Success Story: le fil conducteur du roman

Anna Jocelin déprime. Jeune professeure de français dans un collège de banlieue, elle déteste son travail, ses élèves et ses collègues. Son rêve de devenir écrivaine s’étiole alors qu’elle ne connaît ni l’amour, ni l’amitié, ni même le sexe. Elle est doucement en train de se noyer dans l’aigreur de sa solitude, quand sa route croise celle d’une ancienne camarade de lycée qui l’entraîne sur des chemins qu’à première vue l’on pourrait définir comme ceux de la perdition… mais…

La phrase extraite du livre :

« En plus de me découvrir une âme de dragouilleuse, je me surprends transformée en baratineuse prête à raconter n’importe quelle salade pour parvenir à ses fins».

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Success Story : interview de Romain Ternaux

Romain Ternaux dont le prochain livre, I Am Vampire, sort le 4 octobre aux éditions Aux Forges de Vulcain, a accepté de répondre à mes 5 questions. Son acolyte Johann Zarca, immergé dans la promo de Braquo sauce samouraï , son dernier roman, paru en septembre chez Fleuve Noir, n’a pas pu participer à cette interview mais… ce n’est que partie remise (j’espère).

Les rêves d’Anna Jocelin se réalisent lorsqu’elle commence à prendre des substances dopantes : alcool, MDMA, cocaïne – entre autres. Le bonheur et la réussite sociale se trouvent-ils dans les drogues ?

C’est en effet la thèse défendue dans le roman. Mais c’est un roman, justement, autrement dit une fiction. Pas une étude scientifique, ni un essai sociologique et encore moins un tract politique. Ni Johann Zarca ni moi ne faisons de « littérature engagée ». À titre personnel, je ne me soucie pas de morale quand j’écris. La morale est l’ennemie de la fiction, elle est déjà bien assez présente dans la vie quotidienne pour qu’un écrivain ait à s’en soucier au moment où il crée un monde qui n’existe même pas. La littérature ne doit pas devenir le faire-valoir d’idéologies qui ont pignon sur rue dans la réalité. Selon moi, les meilleurs romans ne sont pas là pour éduquer, mais pour immerger le lecteur dans ce qu’il ne connaît pas. Dans le meilleur des cas, ils sont un « défouloir » qui permet la catharsis : c’est en parlant des sujets sensibles qu’on parviendra à mieux cerner la réalité. En d’autres termes, si on estime que la prise outrancière de drogues et d’alcool relève du tabou, il faut absolument lire Success Story.

Vous figurez parmi les auteurs de Bizarro Fiction. Pourtant, dans Success Story l’on trouve de véritables informations. Ce mélange des genres ne risque-t-il pas de nuire au roman qui pourrait-être considéré comme une apologie de la drogue ?

D’emblée, le but de Success Story était de reprendre les codes du roman feel-good. À la rigueur, Johann Zarca et moi-même étions les derniers auteurs à pouvoir incarner ce genre de littérature, lui comme moi écrivant habituellement des romans plutôt burlesques ou cyniques. Mais nous avons joué le jeu jusqu’au bout et au final, même si la drogue y est omniprésente, Success Story est conçu comme un authentique feel-good : tous les personnages vont connaître une ascension fulgurante et trouver le bonheur, y compris les personnes âgées qui tiennent une place centrale dans l’histoire. Leur cas est rarement traité en fiction, aussi l’écriture de ce roman était-il une bonne occasion d’aborder le sujet. Nous avons injecté de nombreux éléments de réalisme, comme les conditions de vie en EHPAD ou les effets des différentes drogues, afin de renforcer la crédibilité générale du roman, mais ils ne peuvent en aucun cas constituer une quelconque apologie : Success Story s’avère au final bien trop excessif sur le fond pour être pris au pied de la lettre. C’est une fiction consciemment élaborée, comme une bonne blague racontée avec beaucoup de sérieux.

Romain Ternaux, vous vous êtes enfermé durant 3 ans afin de pouvoir écrire. Vous êtes sorti de cette “ascèse” avec une quinzaine de manuscrits. Quelques-uns sont déjà publiés – Spartacus, Le looser devenu gourou, éd. Aux Forges de Vulcain- les autres suivront. N’est-ce pas schizophrénisant de vivre cloitré avec pour seule compagnie les personnages de fiction que l’on a dans la tête ?

J’ai écrit mon premier roman Croisade apocalyptique quand j’avais 22 ans, il y a donc dix ans. Je finissais alors des études de Lettres Modernes et j’habitais dans une vieille maison en périphérie de Reims, sans prises électriques aux normes, ni Internet. Mon seul but au départ était de m’amuser, mais je me suis alors rendu compte que l’écriture pouvait constituer un palliatif à l’isolement. Quand je suis arrivé à Paris l’année suivante, j’ai exercé des petits boulots pour différentes maisons d’édition, notamment lecteur ou correcteur. Mais ce n’était pas suffisant pour gagner ma vie. J’ai donc décidé de continuer dans la voie de l’écriture : quitte à avoir peu d’argent, autant se focaliser sur ses propres romans plutôt que de travailler sur ceux des autres. Hormis mes périodes d’études ou de salariat, je me suis donc enfermé plusieurs années pour écrire un maximum, ce qui m’a amené à produire beaucoup. Même en n’écrivant qu’une seule page A4 par jour, on devient prolifique car, si on s’y tient vraiment, cela représente le premier jet d’environ quatre romans par an. Évidemment, il s’agit d’un style de vie monacal qui peut faire peur, mais ce n’est qu’une question de tempérament, et aussi le prix à payer quand on veut concrétiser le flux d’idées qui arrivent en permanence à force d’alimenter l’écriture. Finalement, je trouve plutôt sain de se confronter à soi-même sur une longue durée pour voir ce qu’il en ressort sur le papier. On peut voir ça comme une forme d’auto-analyse, sauf qu’on n’a pas à payer de psy.

D’un point de vue strictement technique, comment avez-vous écrit ce livre à quatre mains ?

Avec Johann, nous nous sommes rencontrés dans une chambre d’hôpital, lui pour un problème au genou, et moi à la hanche suite à une chute en Vélib’. L’une de ses amies lui avait apporté le best-seller Les gens heureux lisent et boivent du café pour blaguer, Johann n’étant absolument pas friand de ce genre de littérature. Cloués sur nos lits respectifs, nous nous sommes alors mis à imaginer notre propre roman feel-good pour tuer le temps. Nous avons élaboré ensemble le synopsis, les personnages principaux et l’orientation générale de l’histoire. Quelques mois plus tard, nous avons décidé de concrétiser le projet et Johann a écrit une première mouture lacunaire, qu’il m’a remise afin que je la complète à ma manière. Ensuite, c’est moi qui lui ai remis ma propre version pour qu’il la retravaille, et ainsi de suite. C’est une technique qui nous est venue naturellement et qui fonctionne bien, car l’ensemble se trouve ainsi uniformisé à chaque fois. Je l’ai appelée la « technique de la lasagne » : il s’agit de superposer plusieurs couches sur une base commune. Mais peut-être faut-il être sur la même longueur d’ondes pour que cela fonctionne aussi bien, du moins en ce qui concerne la littérature.

La question que je pose à tous les auteurs : à quel personnage littéraire vous identifiez-vous?

Arturo Bandini, l’alter ego de John Fante dans Bandini, La Route de Los Angeles, Demande à la poussière et Rêves de Bunker Hill. J’aime son hystérie drôlatique, sa folie et sa persévérance.

Interview réalisée par Dunia Miralles

Les écrivains Romain Ternaux – à gauche – et Johann Zarca. Crédit photo: Teresa Suarez.

Biographies des auteurs de Success Story

Romain Ternaux

Romain Ternaux est né en 1987. Après des études de littérature à Reims, il monte à Paris et y rencontre l’écrivain américain Dan Fante à l’hôtel Odéon, grâce auquel il devient lecteur pour sa maison d’édition française. Puis il s’enferme plusieurs années chez lui pour écrire des romans : Croisade apocalyptique, L’histoire du loser devenu gourou, Spartacus, Success Story co-écrit avec Johann Zarca et I Am Vampire, à venir en octobre 2019.

Johann Zarca

Repéré par les éditions Don Quichotte grâce à son blog « Le Mec de l’Underground », à présent disparu, Johann Zarca a publié son premier roman, Le Boss de Boulogne, en 2013 (éditions Don Quichotte), suivi, en 2015, de Phi Prob (éditions Don Quichotte).

En février 2017 paraît P’tit Monstre (éditions La Tengo). 

Paname Underground paraît en octobre 2017 aux Éditions Goutte d’Or. La même année il reçoit le prix de Flore, ex aequo avec L’Invention des corps de Pierre Ducrozet.

En 2019 paraissent Success Story,  co-écrit avec Romain Ternaux, et Braquo sauce samouraï.

Au sein des Éditions Goutte d’Or, Johann Zarca dirige la collection fiction. 

Sappho: la dixième muse selon Platon

Sappho: une célèbre poétesse méconnue

Bien que Sappho nous ait légué le terme saphisme pour désigner l’homosexualité féminine tandis que lesbienne vient de Lebos, l’île ou elle a vécu, l’on connaît peu de choses de cette poétesse. Malgré sa célébrité durant l’Antiquité, seulement 650 vers nous sont parvenus, tirés de citations tardives et de l’étude moderne des papyri. Contemporaine d’Alcée, de Stésichore et de Pittacos, elle a vécu entre le 7ème et le 6ème siècle avant J.-C, à Lesbos, à l’exception de quelques années d’exil motivées par des luttes aristocratiques. De nos jours, Sappho est surtout connue pour avoir poétiquement écrit son attirance pour les jeunes filles. Le poème suivant est tiré de Sappho poèmes et fragments, présentés et traduits par Philippe Brunet, Editions L’Âge d’Homme, 1991.

 

 

Sappho: sa vie

Sappho serait née, au VIIème siècle av. J.-C, dans la ville de Mytilène. D’autres sources affirment que son lieu de naissance est la petite ville lesbienne d’Eresós. Elle appartenait à une famille noble et aristocratique. Son père s’appelait Scamandrônymos et sa mère Cléis. Dès son plus jeune âge, la jeune fille est entourée de richesse et de luxe. Son père meurt alors qu’elle a 6 ans. Suite à ce décès, sa mère la fait entrer dans une école où l’on enseigne, aux filles, la danse et la créativité poétique. Au cours de sa scolarité, elle créé de nombreux hymnes, épitaphes, odes, élégies, fêtes et chants festifs.

En 595 av. J.-C., des émeutes soulèvent certains citoyens contre les riches aristocrates dont Pittacos, le tyran local. À l’âge de 17 ans, opposés à Pittacos, Sappho et ses trois frères fuient en Sicile où ils passent 15 ans en exil. Graciée, elle retourne sur son île natale en 580 av. J.-C. Après ce retour, elle commence une romance platonique avec un poète, mais il quitte l’île de Lesbos, et Sappho se marie avec un riche citoyen de l’île d’Andros nommé Kerkolas. Un an plus tard, elle donne le jour à une fille qu’elle nomme Cléis comme sa mère. Cependant son mari et sa fille meurent presque simultanément. Ce deuil la mène à consacrer sa vie à la poésie.

Dès lors Sappho commence à nourrir pour les jeunes filles un amour passionné. Pendant de nombreuses années elle dirige à Mytilène, la capitale de Lesbos, une école de rhétorique appelée la Maison des Muses.

La réputation de son école rayonne dans toute la Grèce et bien au-delà. Des jeunes filles viennent de partout pour apprendre à danser, chanter et jouer de la lyre. Sappho dédie souvent ses œuvres à ses élèves.

En 572 av. J.-C., à l’âge de 60 ans, Sappho se suicide, sur l’île de Leucade, en se jetant à la mer d’une falaise. Selon la légende, elle serait tombée amoureuse d’un jeune homme nommé Phaon, qui ne lui a jamais rendu la pareille d’où son acte pour mettre fin à ses jours.

Sappho: son oeuvre

Son œuvre, se composait apparemment de neuf livres de longueur variable. L’on a retrouvé des épithalames – des chants nuptiaux pour lesquels elle a créé son propre rythme et un nouveau mètre nommé sapphique – et des fragments de poèmes adressés à certaines des femmes qui ont vécu avec elle.

On y entrevoit l’expression d’une subjectivité qui recréée, avec de subtils changements d’humeur, la tentative de façonner la passion. Sappho présente la passion amoureuse comme une force irrationnelle, entre le bien et le mal, qui s’empare de l’être humain et se manifeste sous diverses formes, comme la jalousie, le désir ou une nostalgie intangible, tout en produisant des réactions physiques, comme celles décrites en détail dans l’un de ses poèmes.

Sa poésie, qui connaît un grand succès dans l’Antiquité, sert de source d’inspiration à de grands poètes comme Théocrite ou Catulle. A partir de la période alexandrine, l’intérêt de conserver son œuvre devient évidente tout comme de tenter de découvrir les parties manquantes. Malgré le caractère fragmentaire de la production qui a été préservée, il semble que Sappho ait réussi à réaliser son désir, conformément à la conception hellénique de la poésie, de faire perdurer ses amours à travers sa création poétique.

Ses poèmes ont été écrits en éolien la langue qui se parlait à Lesbos. Ce dialecte étant assez rare, cela explique pourquoi ses poèmes se sont perdus à mesure que de moins en moins de gens s’avéraient capables de les traduire d’autant que, selon certaines sources, une partie de ses œuvres auraient été brulées en 1073 en même temps que celles d’autres poètes lyriques.

Sappho apporta un renouveau à la poésie de son temps en imposant un nouveau style poétique, de nouvelles trouvailles et inventions dont la strophe sapphique. Strabon appela Sappho Un Miracle, Socrate Une tutrice de l’amour et Platon La Dixième Muse. Les poètes de cette époque étaient aussi des musiciens et musiciennes qui s’accompagnaient de la lyre. On lui accorde, notamment, l’invention du plectre.

A noter : de nombreux documents ayant été égarés ou détruits, les historiennes et historiens sont loin de se mettre d’accord sur ce que fut la vie de Sappho. J’ai tenté de faire un résumé aussi cohérent que possible. Cependant, d’autres sources pourraient peut-être contredire certains détails.

 

Sources :

– Sappho poèmes et fragments, présentés et traduits par Philippe Brunet, Editions L’Âge d’Homme, 1991.

– Biografias y Vidas, la enciclopedia biografica en linea.

– Burro sabio

– Wikipédia

 

Un livre 5 questions: “Du sang sous les Acacias” de Bernadette Richard

Du sang sous les Acacias de Bernadette Richard: un polar d’un genre nouveau

 

Aujourd’hui, paraît en librairie le dernier livre de Bernadette Richard, une écrivaine globe-trotteuse et prolifique qui compte une trentaine de livres à son actif et des séjours prolongés dans tout le sud de la planète ainsi que dans quelques villes et endroits périlleux de l’hémisphère nord. En revanche, elle n’avait pas encore  écrit de roman policier. C’est à présent chose faite avec Du sang sous les acacias, Éditions Favre.

Dans un polar on torture, on tue, on enquête. Normal. Le genre est fait pour ça. Mais, pour la première fois, les principales victimes sont des mammifères à quatre pattes. Dans le thriller Du sang sous les acacias, l’IOWP, une unité spéciale, poursuit au niveau mondial les violences faites aux animaux. Les trafics d’ivoire ou de serpents par exemple. Cette fois, Yànnis Cortat, policier hors-normes, est chargé de démasquer la personne qui tue dans le parc national de Ruaha. Dans un rythme effréné, l’auteure nous emmène entre La Chaux-de-Fonds, Moutier, Lausanne, Paris, La Haye, le lac de Paladru et la Tanzanie. Toute une géographie pleine de personnages atypiques comme la journaliste Violette MacIntosh qu’un drame personnel a rendu explosive ou Amélie, la biologiste parisienne qui n’hésite pas à s’aventurer dans la savane en talons aiguille. Les soupçons se portent sur une secte coutumière des sacrifices rituels.

Dans ce roman les principales victimes sont les animaux mais l’on agresse et tue également des humains. Deux enquêtes parallèles, en toile de fond, concernent des personnes. Original, émouvant, drôle, ce polar ne manque ni de piquant, ni d’humour, ni de suspens. Il peut être lu par tous les amateurs du genre, notamment par ceux qui ne goûtent guère que l’on détaille trop précisément les scènes de violence. Avec Bernadette Richard, pas de scènes trash à la Pierre Lemaître ou à la Jean-Christophe Grangé mais une intrigue à démêler et des personnages hauts en couleurs pour nous attendrir, nous faire rire, sourire, pleurer ou réfléchir.

 Du sang à la une est le premier volume d’une série à venir où l’on retrouvera, à n’en point douter, Yànnis Cortat le flic de choc de l’IOWP et Violette MacIntosh la journaliste irascible.

La phrase extraite du livre:

« En susurrant ces quatre mots, il entreprit de déshabiller sa conquête, mais elle se déroba encore une fois, lui signalant qu’elle préférait baiser sur le tapis de laine bouclée en face de la télé ».

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Du sang sous les Acacias interview de Bernadette Richard

En vous penchant sur les tueurs d’animaux vous créez un style nouveau et original d’autant que le fil rouge du roman est un chien. Comment vous est venue cette idée ?

J’ai toujours été fascinée par le monde animal. Mon empathie s’est révélée à la suite d’un séjour en Espagne. J’avais 12 ans. Mes parents m’ont obligée à voir des corridas. Je pleurais durant ces abominables tortures. La dernière fois, j’ai commencé à hurler dans les arènes et à insulter le public. En français dans le texte, bien entendu ! Mon père est sorti avec moi et a tenté de comprendre ma réaction. Depuis lors, je n’ai plus voulu manger de viande et je ramenais à la maison les animaux blessés que je rencontrais. Mes parents ne voulaient pas de chats, j’ai adopté des hamsters et des souris blanches, puis des cochons d’Inde. Je passais beaucoup de temps à les regarder vivre et à leur installer des cages confortables. Plus tard, durant mes voyages, je n’ai jamais supporté la maltraitance faite aux animaux. J’ai toujours imaginé une police réellement dévouée à la cause animale et à la nature. L’idée de ce polar animalier m’est venue lors d’un long voyage en Tanzanie avec une amie qui a vécu là-bas. En l’écrivant, j’ai réalisé que je connaissais mal les mœurs animales, j’ai passé deux ans à me renseigner, à lire, à regarder des documentaires. Un ami qui a travaillé durant 20 ans avec les animaux, en Suisse, au Québec et en Asie, m’a conseillée et corrigée quand je m’égarais.

Êtes-vous une lectrice de romans policiers ?

Je lis des polars depuis l’adolescence. J’aimais bien passer de Stendhal à Dashiell Hammett. Le roman noir me fascine, il explore l’âme humaine dans ses pires recoins. Manchette l’a très bien dit : « Le bon roman noir est un roman social, un roman de critique sociale… ». Je dois au gauchiste Manchette et au réac ADG quelques heures de mémorables lectures, auxquels s’est très vite ajouté le Belge Steeman, porté à l’écran. Alors que le polar était considéré comme un genre mineur, tout à coup, les éditeurs en ont fait leurs choux gras. Les Nordiques ont largement contribué à offrir des lettres de noblesse à ce genre méprisé. Malheureusement, des écrivants d’une rare médiocrité se sont engouffrés dans la brèche. De même que des vagues de scribouillards qui se plaisent à décrire des scènes d’horreur comme si l’hémoglobine remplaçait l’encre. J’ai fini par en faire une indigestion, et en suis revenue aux classiques, Mankell, les incontournables Agatha, Patricia Highsmith, Brigitte Aubert, Léo Malet, Simenon, Benacquista, etc. Parmi les modernes, Thilliez et Minier proposent de vrais personnages et l’écriture est potable. Je déteste les polars écrits entre la poire et le fromage avec redondances et clichés toutes les deux pages.

J’en lis tellement que je ne sais même plus le nom des auteurs. Ces temps, je dévore les James Rollins, qui marie l’histoire et les technologies de pointe. Fascinant. Et bien entendu, je suis amoureuse de l’agent de Pendergast, adorable personnage de Preston et Child !

Je suis archi fan des séries polar, de Lucifer à Capitaine Marleau, en passant Bracquo et le génial Engrenages, je savoure…

En 2018 vous avez reçu le Prix Rod pour « Heureux qui comme » un livre très littéraire. Avec “Du sang sous les acacias” vous écrivez pour la première fois, souvent avec humour, au roman policier tout en créant un genre nouveau. N’avez-vous pas peur de discréditer votre œuvre en vous lançant dans ce que d’aucuns considèrent encore comme une littérature de peu de valeur? D’autant que les animaux ne sont pas la préoccupation première de l’être humain.

Depuis que je publie (j’ai écrit pour la presse bien avant de publier des livres), je me suis dit que je serais vraiment écrivain (je n’aime pas la systématique des féminins, autrice est absolument atroce, comme doctoresse d’ailleurs !) le jour où je publierai un polar. Dans bon nombre de mes romans, il y a des moments très atmosphère polar. J’ai écrit beaucoup de nouvelles franchement polardisées. Et cela depuis plus de 25 ans. Mêler l’utopie d’une police pour la nature et la faune à mes passions de l’écriture et des animaux m’a semblé tout à coup évident. Le roman est très décalé par rapport aux ficelles du genre. Si je ne varie pas les approches littéraires, je perds l’envie d’écrire. Explorer les genres me titille les neurones. J’espère que les lecteurs, habitués à mes sautes d’humeur, aimeront ce récit. Et je compte sur les amoureux des animaux pour le faire connaître.

Dans votre livre les femmes, voire les jeunes filles, tiennent une place très importante qu’elles soient écolières, chercheuse, journaliste, criminelle, enseignante à L’UNIL ou victime. Dans la vie courante rencontrez-vous autant de femmes exceptionnelles ou est-ce votre façon de promouvoir le féminisme ?

Maintenant que vous le dites… je n’en avais pas conscience, d’autant moins que j’ai souvent créé un personnage masculin pour prendre de la distance avec moi, mon vécu personnel qui n’a pas à être divulgué. Pour « Quêteur de vent », un journaliste avait écrit que j’étais tous les personnages, y compris le ballon rouge qui tient une place privilégiée dans le livre, l’histoire de deux mecs et d’une psy complètement ravagée. Mais j’aime créer des personnages féminins, aller plonger profondément dans la psyché des femmes, que souvent je ne comprends ni n’approuve, pour en sculpter avec les mots des héroïnes plus vraies que vivantes.

La question que je pose à toutes les écrivaines et écrivains : à quel personnage littéraire pourriez-vous vous identifier?

J’ai beau lire, lire et encore lire, le seul personnage de fiction auquel je m’identifie un peu – même si je ne suis pas assez zen pour lui ressembler –, c’est toujours Corto Maltese. Et si je cherche un personnage féminin, c’est encore dans la BD que je le trouve, en la personne de la très boudeuse Adèle Blanc-Sec (je l’aime tellement que je me suis offert une lithographie de Tardi). Précisons que j’ai détesté le film, la comédienne n’est pas crédible, elle dessert complètement le personnage de la BD. Je n’ai plus le temps de lire des BD et je le regrette, il fut une époque où j’avais accumulé une très belle collection que j’ai finalement offerte à mon fils, autre passionné. Il me fait découvrir de temps en temps une BD à côté de laquelle je ne peux passer – il connaît très bien mes goûts. Mais Adèle et Corto sont mes amours, j’y ajoute Hypocrite, l’adolescente délurée de Jean-Claude Forest. La BD fait le lien, pour moi, entre les arts plastiques et l’écriture, d’où pour moi son rôle essentiel dans ma vie. Pour le roman que je suis en train de terminer, qui se déroule dans la Zone interdite de Tchernobyl, où je me suis rendue, c’est encore la BD qui m’a aidée à débroussailler les infos tellement contradictoires que l’on récolte à ce sujet.

Bernadette Richard. Photographie: Shelley Aebi

Prochains rendez-vous autour du roman Du sang sous les acacias

Le 28 septembre:  dédicaces à la librairie Payot de La Chaux-de-Fonds .
Horaire:                 15h-16h30
Le 7 octobre:  radio RTS la 1ère, émission Entre nous soit dit.
Horaire:                 20h-21h
Le 12 octobre: dédicaces à la librairie Payot de Sion.
Horaire:                 14h-16h
Le 1er novembre à la Bibliothèque de St-Imier :
Rencontre avec les lecteurs à Bibliothèque de Saint-Imier. Bernadette Richard parlera de son actualité, du mélange des genres et lira quelques passages d’un roman qu’elle a en préparation. Scoop garanti.  Horaire:   19h-21h
Le 16 novembre:  dédicaces à la librairie Payot de Neuchâtel.
Horaire:                 15h30-17h

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Biographie de Bernadette Richard

Une existence difficile à résumer autrement qu’au travers de quelques chiffres: née à La Chaux-de-Fonds un  1er mai, 5 professions dont 38 ans de presse à ce jour, 1 mariage, 1 enfant, 1 divorce, 1 petite-fille, 58 déménagements dans 7 pays sur 3 continents, 29 romans et nouvelles, 1 biographie, 3 livres pour enfants, 4 pièces de théâtre publiées ou jouées dans 3 pays. 4  participations à des spectacles et performances. 256 textes littéraires ou essais sur les arts plastiques parus dans des médias et anthologies, 28 discours pour des vernissages d’expositions. N’utilise que l’un de ses 12 stylo-plumes pour écrire. Travaille sur 2 Mac et un PC. S’est trouvée à 5 reprises sur des lieux de prises de pouvoir politique ou attentats meurtriers, dont le 11 septembre 2001 à New York. A vécu dans 8 mégapoles ou très grandes villes. Actuellement dans une ville horlogère à l’agonie. A passé 2 ans dans une forêt, entourée de 17 chats, 4 chiens, 3 cochons noirs, 3 pogonas, 3 paons, 5 mygales, 10 serpents, 3 hamsters de Podorovski, 20 rats et plus, 1 chèvre, 5 poules, 2 coqs, 2 perroquets, 2 inséparables, 3 lapins et autres bestioles sauvées de maltraitance. Vit actuellement avec 5 chats et 1 hamster. En travail : 2 romans en cours, un 3ème en gestation, ainsi qu’un livre pour enfants en voie d’être terminé. Et toujours le travail pour 2 médias.

 

Claude Nougaro : un magicien des mots

Claude Nougaro: poète et musicien

Claude Nougaro a débuté sa carrière dans les années 1950 en récitant ses poèmes Au Lapin Agile, un célèbre cabaret de Montmartre. En 1963, il impose son style avec la chanson Cécile ma fille. La magie de ses mots et de sa musique lui ouvrent enfin les portes de la notoriété. Inspiré par le jazz, la musique latine, africaine et la poésie, tout au long de sa carrière il marie et mélange les genres, les musiques et les rythmes. Claude Nougaro s’essaye également à la peinture et au dessin. Le poème ci-dessous est tiré du recueil L’Ivre d’images, qui contient également des dessins de l’artiste, paru chez Le Cherche midi éditeur, 2002.

Claude Nougaro : un enfant de la balle

Fils d’un chanteur d’opéra et d’une pianiste et professeur de piano, Claude Nougaro naît à Toulouse le 9 septembre 1929, près du boulevard d’Arcole. Ses parents, sans cesse en tournée, le confient à ses grands-parents paternels. Elevé dans le quartier populaire des Minimes, il passe une partie de son enfance à côtoyer les exilés de la guerre d’Espagne. En 1939, la seconde Guerre mondiale éclate et sa vie devient encore plus difficile.

Son grand-père et sa grand-mère, planton et sage-femme, chantent tous deux dans une chorale. À douze ans, Claude écoute –entre autres- Glenn Miller, Édith Piaf, Bessie Smith et Louis Armstrong sur la TSF. En 1947, il rate son baccalauréat, monte à Paris et débute dans le journalisme. En parallèle, il écrit des chansons pour Marcel Amon et Philippe Clay. Il rencontre Georges Brassens qui devient son ami et son mentor. Il écrit de la poésie romantique et  humoristique. En 1949, fait son service militaire à Rabat, au Maroc.

Après les succès musicaux cumulés dès les années 1960, en 2002 il fait une tournée avec un spectacle parlé où il reprend plusieurs de ses textes sans musique. L’enregistrement de cette tournée s’intitule Les fables de ma fontaine.

Entre 2003 et 2004, il prépare un album pour le label jazz Blue Note Records. Atteint d’un cancer, Claude Nougaro décède le 4 mars 2004 à l’âge de 74 ans. Le disque intitulé La note bleue sort à titre posthume le 30 novembre de la même année.

Ci-dessous, je n’ai pas résisté à la tentation d’insérer le poème Plume d’ange enregistré en public.

 

Sources:

Un livre 5 questions: “La Pythie” de Mélanie Chappuis

La Pythie de Mélanie Chappuis: introduction

Sélectionné pour le Prix des lecteurs de la ville de Lausanne, le roman La Pythie, de Mélanie Chappuis –Éditions Slatkine – fait un magnifique parcours depuis sa parution.

« A l’âge de 22 ans, dans les bras de Jérôme, Adèle Meurice entrevoit les circonstances exactes de l’accident : son amour est renversé par une voiture et meurt dans l’ambulance. La prophétie se réalise point par point. Dévastée par cette prémonition, Adèle a ensuite à plusieurs reprises la confirmation qu’elle possède le don d’entrevoir le pire dans des circonstances extatiques. Pourquoi l’orgasme lui montre-t-il l’autre dans son dernier instant ? D’où vient cette malédiction ? Une quête identitaire autour du plaisir, de la mémoire et de la transmission ».

La Pythie, nous emporte à travers la vie, la mort, les cultures, les vies et les âges. De Genève, l’histoire nous transporte au Chili, en l’Araucanie sur les terres des Mapuche. Un roman documenté et chamanique à lire avec attention car chaque détail compte.

La phrase extraite du livre :

“Un condor n’a rien à faire au pied d’un arbre, il doit voler “.

 

La Pythie interview de Mélanie Chappuis

Dans votre imaginaire, comment est née La Pythie ?

Je souhaitais écrire un roman avec un souffle, créer un personnage de femme qui captive, émeuve et perturbe, qui s’égare et finit par se trouver… Une de ces femmes intuitives que j’admire. Connectée. À la nature, aux autres, à ses ancêtres. Que l’on ait envie de la suivre dans sa quête, sans la lâcher. Adèle est vraiment née le jour où j’ai entendu l’ethno-musicienne et chamane Corine Sombrun s’entretenir avec Frédéric Lenoir dans l’émission « Les racines du ciel ». Corine Sombrun raconte ses transes, explique ce qui l’a menée à la première d’entre elles, en l’occurrence une cérémonie chamanique à laquelle elle assistait en Mongolie. Elle poursuit en révélant que l’orgasme a aussi, une fois, déclenché chez elle un état modifié de conscience, durant lequel elle s’est sentie devenir loup. Frédéric Lenoir, peut-être un peu gêné, enchaîne. Ils discutent yoga, méditation, marche en forêt. Je les laisse continuer sans moi, j’ai mon sujet de roman. Adèle sera cette femme qui entre en transe au moment de l’orgasme, ses extases lui donnant à voir l’autre dans son ultime instant. Elle sera cette Pythie des temps modernes, avec un don comme une malédiction. Elle se perdra en essayant de sauver les hommes dont elle entrevoit la mort, avant de comprendre que ses visions lui parlent d’elle. Et de renouer avec ses origines mapuches.

Dans la tradition Mapuche, les machi sont désignés par les esprits dès la naissance. Si l’on est « élu», on ne peut guère échapper à notre destin de machi même si, enfant, l’on nous éloigne de notre culture d’origine. Croyez-vous que le destin de chacun d’entre nous soit tracé ?

Les réponses que je me propose varient et se contredisent. J’oscille entre la toute-puissance du libre arbitre et l’implacabilité de la prédestination. C’est une question que je me suis beaucoup posée pendant la rédaction de la Pythie. Aujourd’hui elle a un peu perdu de son importance. Mais tout de même, j’aime croire que les hasards n’en sont pas, que mon âme reconnaît certaines personnes comme ayant déjà croisé son chemin… Il arrive que les liens soient si forts et si instantanés entre deux êtres… D’une façon plus terre à terre, je m’intéresse aussi beaucoup à ce que l’on hérite de nos parents, grands-parents, ces atavismes auxquels on échappe difficilement.

Votre père était diplomate. Enfant, vous avez vécu dans de nombreux pays. Pour vous la notion de racines a-t-elle un sens ?

 Je suis davantage habitée par la notion de déracinement. Je me suis souvent vue comme un être flottant, incapable de s’ancrer, mal à l’aise avec la durée. Ça reste une lutte. Je suis très nostalgique des pays dans lesquels j’ai vécu, en particulier de l’Argentine. L’idée, quand j’étais enfant, était de suivre mes parents jusqu’au baccalauréat, et de m’installer ensuite en Suisse, mon pays, pour mes études universitaires. Ce que j’ai fait. La première année, passée à Fribourg, fut très difficile, je ne trouvais pas ma place. J’ai ensuite déménagé à Genève, et je crois que j’y ai enfin mes racines. C’est la ville dans laquelle je me sens le mieux. Ma patrie d’adoption. Les Genevois voyagent beaucoup, partent en week-end, en vacances… Plus jeune, j’amenais mes amis à l’aéroport, et je rentrais à la maison heureuse de ne pas être à leur place, dans un avion. Tout ce qui m’intéressait, c’était de rester à Genève. J’avais peur que la ville m’échappe si je la quittais, ne serait-ce que quelques jours. Aujourd’hui, c’est toujours un soulagement d’y revenir, d’y atterrir.

Durant l’écriture du livre vous dîtes avoir prêté une grande attention à vos rêves. Cela aurait amené votre inconscient à vous guider dans l’écriture. Considérez-vous cela un début de médiumnité ?

J’ai collé le plus possible à mon personnage. Je me suis donc placée dans des contextes favorables à l’intuition. Le silence, la marche, l’amour, le yoga… J’ai la chance de me souvenir de mes rêves, surtout lorsque j’en fais l’effort. C’est une gymnastique. Les mapuches ne sont pas les seuls à prêter une grande attention à leurs rêves, il y a aussi les apaches, les mongols, je crois que tous les peuples premiers ont ce souci. J’ai ramené du sommeil quelques épisodes de la vie d’Adèle, et une image que j’ai finalement peu utilisée dans le livre. Celle de l’Ouroboros, le serpent-dragon qui se mord la queue. C’est un symbole très ancien que l’on rencontre dans plusieurs cultures, sur tous les continents. Les premiers à l’avoir représenté sont les Égyptiens au 16e siècle avant notre ère. Il renferme les idées de mouvement, de continuité, d’autofécondation et, en conséquence, d”éternel retour. C’est le contraire de cette idée de stérilité que contient notre expression, « le serpent qui se mord la queue ». Notre civilisation chrétienne a fait du serpent un traitre qui nous détourne du droit chemin, dans les cultures premières il est au contraire respecté, vénéré….

J’ai considéré que rêver de l’Ouroboros était un beau cadeau : j’étais autofécondée du livre que j’étais en train d’écrire, dont les pages sont habitées par ces notions de cycles et d’éternel retour.

C’est peut-être un début de médiumnité. Comme l’est l’écriture. Il y ces instants de grâce pendant l’écriture, où l’on a l’impression d’être des canaux à travers lesquels passent des informations. C’est fluide, les mots se déversent sans être filtrés par nos cerveaux… Ça m’arrive dans chacun de mes livres, même si la majorité des pages sont écrites «  consciemment ».

La question que je pose à toutes les écrivaines et écrivains : à quel personnage littéraire pourriez-vous vous identifier?

Toujours à celui avec qui je passe du temps. Je m’identifie aux personnages de mes lectures, de mes écrits, peu importe qu’ils soient hommes, femmes enfants ou vieillards. Il y a bien sûr des personnages qui m’ont plus habitée que d’autres, malgré mes efforts pour fuir l’identification… Anna Karénine, par exemple, qui va payer si cher le prix de son amour pour Alexis Vronski. Au nom de cette passion, qu’elle ne parviendra plus à cacher, elle va devoir laisser son enfant à son mari et vivre en paria (nous sommes dans la Russie du 19e siècle). Ses remords ensuite, cet amour de mère duquel elle s’est détournée un instant, par folie, et cette incapacité à revenir en arrière. Ce qui a été détruit ne peut-être reconstruit, elle ne verra plus son enfant qu’une seule fois, en cachette, durant un épisode déchirant, elle n’aimera pas sa seconde fille, pourtant conçue avec l’homme de sa vie, la culpabilité étant trop lourde. Elle perdra tout pour cet amour. À terminer par elle-même, au point d’en finir avec sa vie. Devant un Vronsky égal… Anna Karénine est une héroïne sincère, aimante, impulsive, courageuse, elle est donc, hélas, incapable de stratégie, de calcul… Sa personnalité la mène tout droit au chaos. Je me suis un peu trop identifiée à elle, à une époque. Plus aujourd’hui, mais elle m’habite encore.

Interview: Dunia Miralles

Photographie de Louise Anne Bouchard

Biographie et actualité de Mélanie Chappuis:

Mélanie Chappuis est écrivaine, journaliste et chroniqueuse. Elle est l’auteur de six romans, deux recueils de nouvelles et deux recueils de chroniques. En 2012, elle reçoit le prix de la relève du canton de Vaud. En 2018, son livre Ô vous, sœurs humaines, aux éditions Slatkine, est finaliste du prix franco-suisse Lettres-frontières. En 2019, La Pythie, (éd. Slatkine) est en lice pour le Prix des lecteurs de la ville de Lausanne. Sa pièce Femmes amoureuses, actuellement en tournée romande dans une mise en scène de José Lillo, se joue notamment du 3 au 8 septembre au théâtre Pullof de Lausanne.

Prochains rendez-vous autour de La Pythie :

le 28 septembre lors d’une balade littéraire à vélo entre Divonne les Bains et Nyon, organisée par Lettres Frontières.

le 9 novembre au Lausanne Palace. La rencontre, organisée par le Prix des lecteurs, sera suivie d’un apéritif et d’une séance de dédicaces.

Un livre 5 questions: “Le beau monde” de Laure Mi Hyun Croset

Le beau monde de Laure Mi Hyun Croset : introduction

« Tout est prêt pour un mariage parfait. Le beau monde est réuni, l’atmosphère pétillante, l’élégance au rendez-vous. Il ne manque que la mariée. Impatience, inquiétude… Que se passe-t-il ? Où est-elle ? »

Le décor est en place mais la mariée ne viendra pas.

Drôle, cinglant, insolent, c’est ainsi que l’on a souvent qualifié le roman Le Beau Monde de Laure Mi Hyun Croset. Pour ma part je l’ai trouvé acide, mais certainement pas drôle. En le lisant, j’ai eu l’impression qu’une meute sauvage, affamée, se jetait sur Louise, la non-mariée, chaque membre de la meute souhaitant s’approprier d’un bout de sa vie, ou de sa chair, ou de son savoir, ou de son éducation, comme si cette femme n’avait jamais eu de corporalité ou de personnalité propre, hormis peut-être durant son enfance. Un récit où les intervenants s’acharnent opiniâtrement à la réduire à un objet créé par eux. Quant à ceux qui se désolent de n’avoir su la façonner, ils la considèrent comme une castratrice ou une froide arriviste. Le Beau Monde, roman écrit avec douceur dans une langue classique, est plus profond et cruel qu’il ne semble à première vue.

Interview de Laure Mi Hyun Croset :

– Comment vous est venue l’idée d’écrire “Le Beau Monde” ?

J’ai d’abord été contactée par Richard Ducousset, le directeur éditorial d’Albin Michel, qui avait lu mon recueil de nouvelles Les Velléitaires et l’avait beaucoup apprécié. Il m’a demandé si je pouvais écrire un roman pour sa maison d’édition. Je n’avais pas encore rédigé de véritable roman, mais j’ai accepté le challenge. J’avais un peu la hantise de devoir cohabiter avec un personnage tout au long d’un premier texte si étendu. Devoir le faire évoluer vers le meilleur ou vers le pire me semblait assez fastidieux. L’idée de créer une arlésienne, à savoir un récit où le personnage principal est absent, m’est venue en discutant avec un ami à propos du film Chaînes conjugales de Mankiewicz. J’ai aussi pensé qu’un portrait subjectif, parfois même contradictoire, assumé par plusieurs personnages, serait intéressant. J’adore jouer sur les points de vue, car cela reflète la complexité du monde qui est avant tout une histoire de perception. Je souhaitais aussi rappeler l’importance de la vérification de la source des informations qu’on nous propose. Un mariage m’a semblé un événement idéal pour rassembler des personnes très différentes et pour créer un contexte où les langues pourraient, l’alcool aidant, se délier.

– Connaissez-vous les milieux que vous décrivez, à savoir l’aristocratie française, les milieux argentés ou la roture genevoise ?  

Oui, forcément, car je suis une écrivaine sans imagination. J’ai plus d’aisance à me souvenir de quelque chose que j’ai vécu où que l’on m’a raconté qu’à le créer ex nihilo. J’ai besoin d’avoir ressenti, d’une manière ou d’une autre, même par le truchement d’une œuvre, ce que je décris. Ça me permet aussi d’être cruelle sans juger, car une part de ce que je montre sous un jour défavorable ne m’est pas étrangère. Je n’aime pas surplomber mes personnages. Leurs failles sont aussi les miennes.

– En lisant le portrait que vous faites de la gent masculine issue des milieux aristocratiques et argentés – parfois uniquement aristocratiques, d’autres seulement argentés – j’ai eu l’impression que votre livre était écrit par une militante féministe de gauche. Est-ce le cas ?

Si je suis loin d’être une artiste déconnectée du monde, je voudrais éviter de faire des sermons. C’est pour cela que j’ai choisi la littérature, matière complexe et polysémique, qui ne devrait pas pouvoir être récupérée. J’aime laisser le lecteur libre de se faire son opinion, c’est le moyen de le réveiller sans l’endoctriner. Toutefois, en tant que personne, j’ai des valeurs claires. Et aussi longtemps que les femmes n’auront pas dans tous les endroits de la planète les mêmes droits que les hommes, je serai, oui, féministe. Si avoir une préoccupation sociale et un amour de la culture, y compris subversive, c’est être de gauche, je peux affirmer que ma sensibilité va nettement de ce côté-là. C’est rigolo que mes valeurs politiques se lisent en creux dans ce roman qui tire pourtant un peu sur tout le monde.

– Qu’ils soient de condition modeste ou élevée, poètes, conquérants, ou insignifiants, à l’instar du fiancé, un homme faible qui a préféré séduire une roturière qui lui semblait plus malléable qu’une femme de sa condition, le portrait que vous peignez des hommes est désolant. Est-ce ainsi que vous percevez tous les hommes ?

Non, heureusement. Rires. Je suis en paix avec les hommes. En général, ce sont pour moi de bons camarades. Je n’arrive tout simplement pas à faire de la littérature sur le bonheur, j’écris donc des romans sur ce qui pose problème. Je ne ressens cependant aucune amertume. Je crois que je ne peux pas parler de ce qui n’est pas réglé pour moi. Un roman n’est pas un tribunal.

– Louise, la protagoniste absente, est une romancière qui vit de sa plume. Or, elle s’identifie au Dr. Frankenstein « qui a cousu ensemble des fragments de réel ». Et vous? De quel personnage littéraire vous rapprochez-vous ? Et pourquoi ?

Je m’identifie à tous les personnages avec lesquels j’ai vibré quand le roman ou l’essai était puissant : Swann, Oblomov, Emma Bovary, Magellan, Anna , les antihéros précaires de L.A. story de James Frey et même l’ivrogne de L’Assommoir.

Biographie

Née à Séoul, Laure Mi Hyun Croset est une romancière et coach littéraire suisse. Sa novella Pop-corn girl vient de paraître au mois de mai aux éditions BSN Press.

Bibliographie

2019   Pop-corn girl, BSN Press, Suisse

2018 Le beau monde, Albin Michel, France

2017 S’escrimer à l’aimer, roman, BSN Press, Suisse, sélection finale du prix franco-suisse Lettres frontière 2018

2016 Après la pluie, le beau temps et autres contes, contes, Éditions Didier, France

2014 On ne dit pas « je » !, récit, BSN Press, Suisse

2011 Polaroïds, autofiction, Éditions Luce Wilquin, Prix Ève de l’Académie Romande 2012, Belgique

2010 Les Velléitaires, recueil de nouvelles, Éditions Luce Wilquin, Belgique

I

Interview réalisée par Dunia Miralles

François Cheng : le plus français de poètes chinois

De la poésie orientale dans les mots de la poésie française

Tout au long du XXe siècle, la littérature française a bénéficié d’orientalistes qui ont contribué à faire connaître la littérature chinoise et japonaise, pour ne s’en tenir qu’à celles-là, transformant, dans une certaine mesure, la langue poétique elle-même. Grâce, entre autres, à Paul Demiéville, Jacques Roubaud et François Cheng, la littérature et la poésie en langue française contiennent des éléments redevables à la poésie et à la pensée chinoise et japonaise.

La traduction de l’écriture poétique chinoise, écrite et publiée en français par François Cheng est d’une grande importance. En traduisant des auteurs français au chinois, le poète a également largement contribué à introduire la littérature française en chine.

 

François Cheng : de Victor Hugo à René Char

François Cheng est né en Chine, à Nanchang, le 30 août 1929. Issue d’une famille lettrée, il entreprend des études universitaires à Nankin. Il arrive à Paris avec ses parents en 1948 lorsque son père obtient un poste à l’Unesco. Passionné de culture française, quand sa famille émigre aux États-Unis en 1949 en raison de la guerre civile chinoise, il s’installe définitivement en France pour se consacrer à l’étude de la langue et de la littérature françaises. Il vit dans le dénuement et la solitude avant de faire, dans les années 1960, des études universitaires à la Sorbonne tout en préparant un diplôme de l’École pratique des hautes études. Dans les années 60, il enseigne au Centre de linguistique chinoise, le futur Centre de recherches linguistiques sur l’Asie orientale. Il réalise également des traductions de poèmes chinois en français.

Toujours dans la décennie des années 1960, il publie sa poésie, en chinois, à Taïwan. Il traduit également des poètes français, de Victor Hugo à René Char en passant par Apollinaire et Henri Michaux. Ce n’est qu’en 1977 qu’il commence à écrire en français, sur la pensée, la peinture, l’esthétique chinoises et aussi des ouvrages poétiques. Jugeant avoir acquis assez d’expérience, il s’aventure dans l’écriture de romans.

François Cheng n’est pas seulement écrivain. Plasticien, il est l’auteur de nombreuses calligraphies. Il évoque cet art dans de nombreux ouvrages tel que Vide et plein : le langage pictural chinois ou encore Et le souffle devient signe. Son œuvre d’essayiste, de traducteur, de calligraphe, de romancier et de poète est désormais traduite dans de nombreux pays.

François Cheng a obtenu le Grand Prix de la francophonie en 2001 et a été élu à l’Académie française en 2002. Il est membre du Haut Conseil de la Francophonie.

 

Sources :

– Éditions Gallimard, La vraie gloire est ici.

– Juan Malpartida, Letras libres.

– Wikipédia

 

 

 

 

Luisa Ballesteros Rosas : une colombienne à Paris

Luisa Ballesteros Rosas: une enfant de la nature

Enfant, Luisa Ballesteros Rosas, vit en contact avec la nature dans une liberté totale. Pour sa fratrie et elle, tout est jeu. Dans les années soixante, elle ne se doute guère qu’un hasard la conduira à passer sa vie dans la capitale française. De nationalité franco-colombienne, elle réside à Paris depuis les années 1980. Elle écrit en espagnol et en français.

Luisa Ballesteros Rosas: de la Colombie à Paris

Essayiste, poétesse, romancière, Luisa Ballesteros Rosas, naît en 1957 à Boavita, en Colombie, petit village fondé en l’an 1600 qui s’est développé d’une manière urbaine et ou l’éducation est très importante. Orpheline de mère à 5 ans, elle ne s’en aperçoit pas immédiatement, puisqu’à 5 ans, selon Luisa Ballesteros Rosas, l’on ne se rend pas compte de la gravité de la mort. Elle continue donc à jouer et à mener une vie heureuse avec sa fratrie. Mais peu à peu des événements commencent à la perturber, comme le jour de la fête des mères, par exemple, où, dans son village, il est coutume d’épingler à chaque enfant, une fleur rouge, destinée à la maman. Or, aux orphelins de mère, on en met une blanche. C’est à ce moment qu’elle commence à se rendre compte de sa différence.

Son grand-père, descend des fondateurs de Boavita et considère que la culture et l’éducation sont primordiales. Dans sa jeunesse, après avoir arrêté le séminaire alors qu’il se destinait au sacerdoce, il retourne chez lui et commence à développer la vie culturelle du village. Il crée des écoles, monte des chorales et des troupes de théâtre. Les années passent sans que cela lui laisse le temps pour fonder la bibliothèque. Les ouvrages dorment dans des caisses, rongés par les souris. Luisa, les découvre. Passionnée de lecture, elle se met à lire tout ce qu’elle trouve ce qui lui permet de voyager mentalement et d’imaginer d’autres horizons.

Jeune femme, elle part en Angleterre pour se perfectionner en anglais, la langue qu’elle a étudié en Colombie. Mais, en arrivant à l’aéroport sur les terres de sa Majesté, cela ne se passe pas prévu. Engagée comme fille au pair, à la douane on lui apprend que cette possibilité n’existe pas pour les non-européens. Qu’elle doit faire demi-tour. La famille qui doit l’accueillir l’envoie à Madrid en imaginant qu’il sera plus facile d’arranger ce problème depuis l’Espagne. Elle y reste 6 mois mais l’Angleterre continue de lui refuser le visa. Elle décide de visiter Paris avant de retourner en Amérique du sud. Dans le train elle rencontre une espagnole qui lui suggère de faire les démarches en France et d’apprendre le français plutôt que l’anglais. Jamais, Luisa Ballesteros Rosas, n’avait imaginé vivre à Paris. Pour elle c’était une ville cinématographique, quelque chose d’un peu surréaliste. En arrivant, elle compte n’y rester qu’une seule année. Elle cherche du travail et s’inscrit à un cours. Elle obtient le certificat supérieur de français, puis réalise son doctorat. Sujet : la place de la femme écrivain dans la société sud-américaine – La Femme écrivain dans la société latino-américaine –essai-, préface de Jean-Paul Duviols, Paris, Éditions L’Harmattan, 1994

– après avoir découvert que la plupart d’entre elles étaient silenciées. Elle met d’autant plus de cœur à l’ouvrage, que le 19ème siècle regorge de grandes écrivaines qui ne figuraient dans aucun programme d’études.

Elle obtient également l’Habilitation à Diriger des Recherches de l’université Paris-Sorbonne. Après avoir enseigné la littérature et la civilisation d’Amérique latine à l’université de Paris-Sorbonne de1995 à 1997, elle est actuellement maître de conférences HDR en Littérature et civilisation d’Amérique latine à l’université de Cergy-Pontoise, où elle est également directrice du département d’études ibériques et latino-américaines. Luisa Ballesteros Rosas consacre ses recherches aux écrivaines de tout le continent latino-américain.

En 2018, elle obtient le Prix International de Littérature “Virginia Woolf” pour son essai Historia de Iberoamérica en las obras de sus escritoras, et l’ensemble de son œuvre.

Sources:

-Radio Francia Internacional

-Wikipédia

Al-Farazdaq : une poésie de transition

Al-Farazdaq : satiriste et libertin

Dans la poésie arabe, al-Farazdaq constitue, avec al-Akhtal et Djarir, le trio de poètes les plus célèbres, de la fin du VIIe et du début du VIIIe siècle. Avec eux, al-Farazdaq a échangé des diatribes restées célèbres. Chez al-Farazdaq, la satire est violente, grossière et même, souvent, obscène ce qui parfois ne plaît pas à tout le monde. Le titre du poème ci-dessous Nuit Libertine ne laisse aucun doute quant à la capacité du poète à irriter certaines instances politiques ou religieuses.

 

Al-Farazdaq : un poète constamment attaqué

Hammam ibn Ghalib surnommé Al-Farazdaq, ce qui signifie « visage semblable à un grand morceau de pâte » sans doute parce qu’il a le visage très rond, naît au Yamāma en l’an 641. Son grand-père est un bédouin de grande réputation. Son père Ghalib qui a suivi le même mode de vie est réputé pour sa générosité et son hospitalité.

Par son talent, très jeune, al-Farazdaq attire à l’attention de sa tribu. Toutefois, à quinze ans, il décide de se consacrer à l’étude du Coran. Très vite, il recommence à refaire des vers. Il entame une longue carrière de panégyriste et de satiriste dont les péripéties seront nombreuses. Ses satires lui valent beaucoup d’ennuis. Constamment attaqué, le poète est obligé de fuir. Il se réfugie à Médine où il est bien accueilli. Il y reste environ dix ans pendant lesquels il écrit des satires sur les tribus tout en évitant les politiques urbaines.

Mais sa vie dispendieuse et ses vers amoureux conduisent à son expulsion. Il retourne à Bassorah. Une grande partie de sa poésie est maintenant consacrée à ses affaires matrimoniales. En effet, il a profité de sa position pour épouser sa cousine Nawar contre son gré. Elle cherche vainement de l’aide auprès de la cour de Bassorah et de diverses tribus mais tous craignaient les satires du poète. Enfin, elle se réfugie à La Mecque d’où elle demande de l’aide mais son mariage est reconfirmé. Les querelles recommencent. Al-Farazdaq prend une deuxième femme et, après sa mort, une troisième, pour énerver Nawar. Finalement, il consent au divorce . Al-Farazdaq devient le poète officiel du calife omeyyade Al-Walid à qui il dédie un certain nombre de panégyriques. Mais il a un don certain pour se faire détester. Le poème qu’il prononce à La Mecque, en colère, contre l’émir, l’amène à faire un séjour en prison qui contribuera largement à sa célébrité. Il meurt à Bassorah entre 728 et 730.

L’œuvre poétique d’al-Farazdaq est importante et compte de très nombreux panégyriques adressés à ses successifs protecteurs. La langue d’al-Farazdaq est vigoureuse, riche, sans jamais tomber dans la recherche ni rebuter par de trop grandes difficultés. Ces caractéristiques, ajoutées aux qualités qui marquent ses poèmes et le traitement des thèmes, fait d’al-Farazdaq l’héritier de la grande tradition bédouine qui donnera naissance à une poésie d’une inspiration et d’un langage plus modernes. Son œuvre témoigne de la transition entre la vieille poésie du désert et celle qui naîtra bientôt dans les villes d’Iraq.

Sources :

-La Poésie arabe, anthologie traduite et présentée par René R. Khawam, Editions Phébus, 1995

-Universalis.fr, article de Jamel Eddine BENCHEIKH

-Encyclopédie Larousse

-Le corps du poète dans la poésie arabe médiévale, d’après l’œuvre d’Ibn Ḫafāǧa par Brigitte foulon

-Wikipédia

Lucette Junod : une poésie en fusion avec le monde

Lucette Junod: mosaïque surexposée

« Fusion poème symphonique pour tire-lignes et corde à noeuds» peut-on lire à la fin d’un cahier, bref mais intense, publié en 1980 par les Éditions du Panorama fondées par Paul Thierrin. Le premier ouvrage de poésie de Lucette Junod, un texte discontinu d’un superbe équilibre , nous emmène dans un monde contemporain qui, finalement, a peu changé en presque quarante-ans. Des bribes de vies, des moments de télévision, des accès de colère féministe quand Chazot parle de Gisèle Halimi, des conversations au restaurant ou des rêves, tout prend une teinte noir-blanc vaguement surexposée qui brûle les yeux sans pour autant les détacher de la lecture. Que la poétesse et l’éditeur me pardonnent, je n’ai pas su résister à la tentation de publier deux pages afin de mieux plonger le lecteur dans les ambiances de Lucette Junod. A noter: ce sont deux pages qui ne se suivent pas.

 

 

Lucette Junod naît le 25 décembre 1932 à La Chaux-de-Fonds d’un père savoyard et d’une mère de la Broye fribourgeoise. Au Technicum du Locle – aujourd’hui CIFOM– elle obtient un diplôme de régleuse dans l’horlogerie, puis fait des études de comédienne aux conservatoires de Neuchâtel et de Genève avant de se consacrer à l’enseignement du théâtre et à son écriture. A partir de 1977, elle donne de nombreux récitals de poésie. En 1983 elle fonde les Rencontres poétiques internationales qu’elle organise à Yverdon-les-Bains et à Neuchâtel et qu’elle dirige jusqu’en 2004.

En 1980 paraît Fusion qui reçoit un excellent accueil de la critique. Suivent d’autres recueils de poèmes. Elle a également écrit plusieurs romans dont Les Grands-Champs qui reçoit le Prix Paul Budry en 1980.

Elle a également écrit des pièces de théâtre radiophoniques. D’autres, écrites pour la scène, ont été adaptées pour la radio.

Elle est une invitée régulière des soirées poétiques de Struga, en Macédoine, ainsi que des Congrés de littérature de Lesbois.

Lucette Junod a également été, de 1977 à 1989, la directrice du Service de Presse Suisse.

Elle était l’épouse de l’écrivain Roger-Louis Junod.

 

Sources :

AENJ

-Fusion, Editions du Panorama

-La nouvelle revue neuchâteloise

-Wikipédia