Immortalisée par Claude Monet, sa flèche visible à des kilomètres à la ronde… Pas de doute, la cathédrale est le monument le plus emblématique de Rouen (Seine-Maritime).
Vous pensez tout savoir de ce joyau architectural ? Histoire, anecdotes, visites… On vous raconte tout sur la cathédrale.
L’histoire de Notre-Dame de Rouen, « la plus humaine des cathédrales »
Dans les années 1980, des fouilles archéologiques effectuées sous la cour d’Albane, sur le flanc nord de Notre-Dame, mettent au jour les vestiges d’une petite basilique chrétienne construite à la fin du IVe siècle après Jésus-Christ.
Par la suite, « l’Église s’adapte à l’accroissement de la population », explique à 76actu Quentin Bicheux, chargé de patrimoine à l’Office de tourisme de Rouen. En 1063, Guillaume le Conquérant, alors duc de Normandie, inaugure une cathédrale romane à l’emplacement actuel de Notre-Dame.
La bascule vers le style gothique s’amorce au siècle suivant, sous l’impulsion de l’évêque Hugues d’Amiens. Celui-ci assiste en 1144 à la dédicace (inauguration) de l’abbatiale de Saint-Denis. Il s’en inspire pour ordonner l’édification côté nord de la tour Saint-Romain, achevée 20 ans plus tard.
Toutefois, « les vrais grands travaux commencent en 1185 », raconte Quentin Bicheux. « Gautier le Magnifique, successeur d’Hugues d’Amiens, fait abattre la nef romane pour la remplacer par un édifice gothique. Les travaux progressent de la nef vers le chœur, si bien que la partie la plus ancienne de la cathédrale est sa façade. » De part et d’autre du portail central, les portes Saint-Jean et Saint-Étienne remontent ainsi au XIIe siècle.
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Mais en 1200, un gigantesque incendie ravage la cathédrale en chantier. L’évêque Gautier entreprend de relever l’édifice. La fin des travaux intervient en 1247. Cependant, l’embellissement de Notre-Dame se poursuit.
Au XIVe siècle, la façade se remplit de statues figurant les premiers évêques de Rouen, des apôtres ou encore des prophètes. Une véritable dentelle de pierre qui impressionne encore aujourd’hui.
L’ensemble se trouve néanmoins fragilisé par la réalisation côté sud de l’imposante tour de Beurre, livrée en 1506. Pour sauver la façade, le maître d’œuvre Roulland Le Roux entreprend de la reconstruire suivant les canons du gothique flamboyant.
Outre la rosace, un majestueux tympan, œuvre de Pierre des Aubeaux, orne le portail central. Il représente un arbre de Jessé portant la descendance de ce personnage biblique jusqu’à la Vierge Marie, à qui le monument est dédié.
S’étirant sur 61 mètres, la façade de Notre-Dame de Rouen est la plus large de France. « En comparaison, celle de Notre-Dame de Paris fait moins de 44 mètres », note Quentin Bicheux. Cette particularité de la cathédrale normande est notamment liée au positionnement de la tour Saint-Romain et de la tour de Beurre, qui ne sont pas alignées avec la nef.
En conséquence, poursuit le chargé de patrimoine, « l’intérieur paraît moins vaste que ce qu’on présage depuis l’extérieur ». Sous la voûte culminant à 28 mètres, la lumière s’engouffre par des vitraux allant du XIIIe au XXe siècle, formant « une collection extraordinaire », souligne Quentin Bicheux. Il faut prendre le temps de les scruter pour en saisir les détails.
À la croisée des transepts, le regard s’envole vers la voûte de la tour-lanterne, perchée à 54 mètres au-dessus du sol. Il faut en ajouter 97 pour atteindre la hauteur total de la flèche construite en fonte et en cuivre : 151 mètres. Un record à son inauguration en 1884. « Aujourd’hui encore, la cathédrale de Rouen reste le 4e plus grand édifice religieux au monde », complète notre guide. Et ce, malgré les affres du temps.
En 1822, la foudre embrase la précédente flèche de l’époque Renaissance. En 1944, les bombardements alliés endommagent gravement l’édifice. L’un des quatre piliers soutenant la flèche est fragilisé et doit être étayé en urgence pour éviter l’écroulement de la tour-lanterne. Plus proche de nous, la tempête du 26 décembre 1999 provoque la chute d’un clocheton sur les voûtes du chœur qui s’écroulent en partie.
Dès lors, Notre-Dame connaît des campagnes ininterrompues de restauration. La main de l’Homme n’a jamais cessé de la façonner. Au fil de l’histoire et des embellissements, les styles architecturaux s’entremêlent, du gothique primitif au néogothique du XIXe siècle. Ce qui en fait, selon la formule reprise par Quentin Bicheux, « la plus humaine des cathédrales ».
Trois anecdotes sur Notre-Dame de Rouen
D’où vient le nom de la tour de Beurre ?
Selon Quentin Bicheux, il existe deux explications possibles. La première tient à la couleur de sa pierre. Son aspect jaunâtre tranche avec la blancheur du reste de la façade. Et pour cause : si cette dernière a été construite en pierre de Caumont, extraite dans le secteur de La Bouille près de Rouen, la tour de Beurre a, elle, était édifiée avec de la pierre venue de l’Oise.
L’autre explication, privilégiée par les historiens car fondée sur des documents d’époque, découle du financement des travaux. « Le cardinal Guillaume d’Estouteville, archevêque de Rouen, avait obtenu du Pape l’autorisation pour les Rouennais de consommer du beurre pendant le Carême [période de jeûne et d’abstinence, NDLR] en échange d’un impôt dédié à la construction de la tour », relate le chargé de patrimoine.
À noter que le couronnement octogonal qui surmonte l’édifice ressemble furieusement au sommet d’un gratte-ciel… de Chicago ! Des architectes américains s’en sont de fait inspirés pour réaliser au XXe siècle la Tribune Tower.
La plupart des statues de la façade ne sont que des copies
La façade de Notre-Dame de Rouen se caractérise par sa très riche collection de statues. Cependant, la plupart sont des copies. Car les originaux ont beaucoup souffert des intempéries et de la pollution.
Ceci est lié, selon Quentin Bicheux, à la pierre de Caumont utilisée par les sculpteurs. Ce matériau tend à se dissoudre sous l’effet de la pluie et se couvre d’une sorte de gangue noirâtre au contact des fumées rejetées par les activités humaines.
Par conséquent, beaucoup de statues ont dû être déposées pour restauration. Certaines trônent dans le chœur, à l’abri des agressions extérieures, tandis que leurs doubles obtenus à partir de moulage, veillent aujourd’hui sur la place de la Cathédrale.
Richard Cœur de Lion, le chien et le lapin
Notre-Dame de Rouen sert de nécropole à d’illustres personnages de l’histoire normande. Leurs gisants sont visibles dans le déambulatoire qui fait le tour du chœur. Outre celui de Rollon, premier duc de Normandie (911-932), la cathédrale abrite le gisant de Richard Cœur de Lion (1157-1199), roi d’Angleterre, duc de Normandie, duc d’Aquitaine, comte de Poitiers, comte du Maine et comte d’Anjou !
Blessé à la bataille de Châlus (Haute-Vienne), le souverain s’éteint peu après. « Son corps fait ensuite l’objet d’une tripartition, relate Quentin Bicheux. Ses entrailles restent à Châlus, son corps est enterré en l’abbaye de Fontevraud (Maine-et-Loire), la nécropole des Plantagenêt dont il est l’héritier, et son cœur est transporté à Rouen. »
« La tripartition sert à multiplier les messes pour le salut du défunt mais c’est aussi un geste politique », précise le chargé de patrimoine. Une façon de souligner l’attachement du roi à la Normandie. « Richard Cœur de Lion a surtout vécu en France, il appréciait peu se rendre en Angleterre. »
Son gisant présente à ses pieds – ô surprise ! – un lion, symbole de résurrection. « C’est un psychopompe, un animal qui doit porter l’âme du défunt au paradis », éclaire Quentin Bicheux.
Avec une particularité : « C’est à ma connaissance le seul gisant répertorié en France à avoir une scène sculptée sous son psychopompe. On y voit un chien symbole de bonne gouvernance en train de chasser un lapin incarnant la luxure et un petit dragon représentant le Mal, tandis qu’arrive une colombe de la paix. » Saurez-vous les retrouver ?
Plusieurs visites possibles
L’Office de tourisme de Rouen propose différentes visites guidées thématiques sur Notre-Dame : visite nocturne à la bougie, découverte des cloches de la tour Saint-Romain ou encore une exploration « sensorielle » de ce joyau de l’art gothique, entre « mesures et démesures ».
À réserver sur le site visiterouen.com.
Pour les visites individuelles, l’entrée est gratuite. Entre avril et octobre, la cathédrale est ouverte le lundi de 14 heures à 19 heures, du mardi au samedi de 7h30 à 19 heures, ainsi que le dimanche et les jours fériés de 8 heures à 18 heures.
De novembre à mars, l’édifice est ouvert le lundi de 14 heures à 18 heures, du mardi au samedi de 7h30 à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, ainsi que le dimanche et les jours fériés de 8 heures à 18 heures.
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